Je me croyais humain

 

Je me croyais humain

 

 

Je m’appelais Christian. J’étais un mouton comme les autres. Je pensais, je parlais et j’agissais comme eux. Je faisais partie du troupeau et je suivais le mouvement sans me poser de questions. Sans même en avoir le début d’une, le pire.

 

J’étais convaincu d’avoir raison car je faisais ce que tout le monde fait et j’imposais ma vérité exigeant des autres qu’ils y adhèrent. Je ne connaissais rien d’autre. J’étais suffisant, intolérant mais en tous points conforme aux normes établies que je ne voulais envoyer aux orties à aucun prix.

 

 

Parce qu’on m’a dit que c’était ainsi qu’il fallait faire, que je devais être.

Et je fonctionnais bien, respectant les standards du bon mouton en harmonie. J’étais bien-pensant, je faisais partie des honnêtes gens, toujours à la mode, à la pointe du courant, surinformé, usant et abusant de mes médecins et travaillant en dépit de ma nature paresseuse pour assurer ma survie et celle de ceux dont je me sentais responsable. J’obéissais aux lois, j’ai même défendu ma patrie en apprenant comment on tue des gens. J’étais très politiquement et pieusement spirituellement correct.

 

 

Parce qu’on m’a dit que c’était ainsi qu’il fallait être, que je devais vivre.

Métro, voiture, boulot, mauvais dodos, voilà le résumé de ma vie. Ma conscience était morte. Comme une fleur fanée j’étais là, coupé de mes racines, mort avant l’heure. Mais je croyais être vivant ! J’ai cru en tout, me prenant au jeu que je jouais sans m’en rendre compte. J’étais père, travailleur, intellectuel, homme d’affaires, indifférent, un bon garçon. J’endossais mes rôles sans me poser de questions. J’étais inconsciemment tranquille du fond de mon ignorance. Sans faire trop de vagues, j’avais bien quelques troubles quant à ce que je constatais mais fallait pas le dire, surtout faire comme les autres pour pas me faire remarquer. J’étais mort de peur et j’achetais la paix que l’on me promettait à l’écran.

 

 

Parce qu’on m’a dit que c’était ainsi qu’il fallait vivre, que je devais faire.

Je faisais partie de la majorité silencieuse. Je faisais confiance en qui me gouvernait, c’était bon pour moi toutes ces lois qui me protègent. Je croyais qu’ils veillaient sur mon bien, sans eux l’anarchie et le chaos, les masses sont incapables, ils me le disent tout le temps. Et je trouvais normale la hiérarchie sociale, des bergers pour encadrer des moutons quoi d’illogique ? Des dominants pour des dominés, des riches et des pauvres, des faibles puisqu’il y a des puissants, ainsi allait le monde dont ils me parlaient. Et je croyais aussi au bien-fondé de la guerre pour maintenir l’ordre qui assurait ma sécurité.

 

 

Parce qu’on m’a dit que c’était ainsi qu’il fallait survivre, que je devais le faire.

Et pour supporter tout ça, en récompense de mon obéissance soumise, je recevais des carottes. Je fus promu à un échelon élevé, dans le rang des privilégiés. Je montais en grade jusqu’à devenir un berger moi-même, je vécus ainsi l’American Dream.

 

J’ai caressé le pouvoir, dominé d’autres moutons. J’étais craint et respecté, important dans mes fonctions. J’aimais ça donné des ordres. Et puis je n’étais plus un mouton anonyme mais quelqu’un ! J’avais du talent, j’étais influent. Je recevais les avantages financiers de ma promotion, j’agrandissais ma maison, je changeais souvent de voiture, j’impressionnais les autres moutons, j’étais un exemple à suivre. Mes titres, mes diplômes, ma position me distinguaient de la masse.

 

On parlait de moi.

 


 

Je me croyais humain mais j’étais un mouton

 

Mouton 2

 


 

26 commentaires

  1. Alors là, ce texte est tout le contraire de ce que j’ai été. Moi j’ai toujours été un mouton rebelle. J’ai pratiquement su très jeune qu’il était possible de faire autrement. Je vais te raconter ce qui m’est arrivé à 21 ans passé d’un mois tout juste. C’était le 1er mars 1976. Je travaillais dans la région parisienne et j’ai eu ma mutation pour Lyon. Sur le coup j’étais très étonné d’avoir une mutation aussi rapidement, 15 jours après ma demande j’ai eu la réponse, un vrai record. J’ai cru à un canular sur le moment. Bref ce n’en était pas un. Je ne comprenais toujours pas cette rapidité. J’ai compris quand je suis arrivé à Lyon. Les employés étaient en grève pour demander des effectifs supplémentaires. Leur action m’a permis d’avoir ma mutation. Si j’avais été un mouton tout docile j’aurais regagné le poste qui devait être le mien. Ben non, je me suis mis en grève avec mes nouveaux collègues. Par la suite, j’ai eu le revers de la médaille mais ils se sont toujours cassés les dents car j’étais toujours à l’heure au boulot et mon travail a toujours été irréprochable. En réalité la force que j’avais et que j’ai d’ailleurs toujours réside en fait que j’étais blanc comme neige –> Rien à me reprocher.


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    • Donc un Mouton rebel blanc Jean-Claude / lol 😁. J’ai retrouvé ce vieux texte sur mon PC et je l’ai trouvé intéressant à plus d’un titre. Je te remercie pour ton commentaire et je te souhaite une bonne journée.

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    • Ps : Jean-Claude… Je m’y perds un peu, mais tu as bien deux sites ? Un sur les plantes, etc… Et un autre sur la pétanque… Ou je fais un amalgame…

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    • Très bonne analyse Suzanne. En effet, lorsque que l’on est dans un troupeau il est très difficile de s’en démarquer. Il faut prendre de ‘l’altitude’… Je te remercie pour ton commentaire. Bonne journée Suzanne.

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  2. « on parlait de moi »… et …????
    Bonjour Christian,
    En voyant le « like » sur l’un de mes posts, j’ai voulu en savoir un peu plus sur la ou le mystérieux « Aphodalie » qui me laissait ainsi, la tête dans son étoile, sans autre explication. 😉
    Je découvre ainsi un blog très intéressant où la controverse semble abordée efficacement.
    Au plaisir, bonne journée.
    Cat

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    • Bonjour CuriousCat. À travers mon blog, j’aborde divers sujets. Je n’ai pas de ligne directrice, je publie en fonction de l’humeur du moment et si cela sort du lot (article, analyse, etc…). Je suis en quelque sorte comme un électron libre dans l’univers des blogs. Je te remercie de ta visite et pour ton commentaire. Au plaisir également. Bonne journée

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      • Bonjour Christian,:-)
        Parfait, j’aime l’esprit slow bloging et les blogs « coups de cœur », voici pourquoi je me suis abonnée.
        J’espère que c’est bien par intérêt (je serais curieuse -et oui, déformation personnelle ;-)- d’en comprendre les raisons) et non par réciprocité que tu t’es abonné… bon, je blague ! 🙂
        Merci pour la visite et, j’espère, à bientôt (difficile de trouver pour moi du temps actuellement mais un nouvel article coloré devrait paraître prochainement… 🙂
        Catherine

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  3. Dans une prochaine vie le mouton Christian sera un rebel . Et il mènera une belle rébellion contre les croyances installées…
    Ça sera un prince Rebel.
    😆
    Merci pour ce texte
    A bientôt

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  4. Bravo pour ce très beau texte. Ça me parle même si je n’ai jamais vraiment été un mouton, ce qui m’a d’ailleurs coûté quelques plumes mais qui me servent aujourd’hui pour mon blog.
    Partager et aider, comme si c’était mon destin pour en arriver

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  5. Le Petit Prince a rendu magnifiquement célèbre le « dessine moi un mouton » , poétique
    Vos mots « moutonesque » méritent d’être humainement célèbre ! Merci pour cette bien jolie découverte Au plaisir

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