La motricité mutilée : réflexion sur la chronobiologie de l’enfant dans l’enseignement

 

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Notre modèle éducatif est-il conforme à la chronobiologie de l’enfant ? Absolument pas. Aujourd’hui, notre constat est le suivant : la motricité de l’enfant dans le cadre scolaire est devenue un outil équivalent à un frein contre son propre développement. Quand l’enfant a le plus besoin de se dépenser, on l’oblige à rester assis de longues heures. Et c’est seulement le soir, quand son organisme a besoin de trouver le repos, que l’enfant peut s’animer à travers des activités extrascolaires. Cette désynchronisation n’est pas sans conséquences…

 

 

Quelques explications préliminaires… La lumière est à l’origine de toute vie sur Terre. Il y a une relation indissociable entre le mouvement de l’homme et la lumière. C’est la lumière qui règle notre horloge biologique à travers un cycle de 24 h, ce qu’on appelle le cycle circadien (jour et nuit). La lumière va ainsi régler notre chronobiologie interne en activant les sécrétions hormonales de veille ou de sommeil, des sécrétions qui vont agir sur notre système vasculaire et nerveux.

 

Le jour, certaines hormones sont activées telles que la sérotonine, l’adrénaline ou encore le cortisol énergisant et vasodilatateur. La nuit, des hormones plus sédatives vont être sécrétées par l’organisme telles que la mélatonine, l’adénosine ou l’orexine pour régler la phase de sommeil et la réparation.

 

Aujourd’hui, ce cycle hormonal est complètement bouleversé par notre mode de production et notre modèle industriel. Le mythe de la croissance et le culte de la performance ont complètement déréglé notre chronobiologie. La désynchronisation de cette horloge perturbe le système hormonal, le système nerveux ainsi que le système vasculaire. Le jour, le corps règle son horloge biologique et ses hormones en fonction d’une motricité dynamique qui implique une augmentation de la température. Par contre, la nuit, notre corps règle son horloge biologique et ses hormones en fonction d’une motricité statique qui conduit à une diminution de la température. Le rôle hormonal de ce cycle varie et correspond à des besoins et des fonctions différentes. Par exemple, les hormones de croissance et les hormones réparatrices ne sont sécrétées que la nuit.

 

Le modèle éducatif actuel ne respecte pas la chronobiologie de l’enfant, il lui impose une horloge biologique inversée. Le jour, quand l’enfant a le plus besoin de bouger pour se construire, il est maintenu assis de très longues heures pour le faire correspondre au modèle de production pédagogique utilitaire actuel. En fin de soirée, quand le corps a le plus besoin de relâchement, c’est tout le contraire : on lui impose des activités dynamiques.

 

« L’ennui fait des ravages à l’école, comme le relève une étude rapportée par le Figaro. L’image de l’élève qui attend désespérément que le temps passe, réfugié près du radiateur, a toujours du succès. Une enquête réalisée au printemps dernier auprès de 760 enfants, inscrits en primaire et au collège, par l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) révèle qu’environ un quart des élèves interrogés déclarent s’ennuyer souvent, voire tout le temps à l’école primaire. Ils sont aussi 40 % à s’ennuyer «quelquefois”.

 

Ce sentiment d’ennui est plus important encore chez les collégiens, qui déclarent s’ennuyer à plus de 71 % ! Les résultats de cette étude menée auprès d’enfants de quartiers populaires corroborent des enquêtes antérieures, qui concernaient un plus large public, en 2001 ou en 2003, notamment. »

 

 

Le jour où le corps règle son horloge biologique et ses hormones en fonction d’une motricité dynamique avec augmentation de la température, on oblige l’enfant à rester en position statique, assis durant près de 8 h. Ce qui est une catastrophe pour le développement organique de l’enfant. 

 

Comme le pointe un rapport de l’Office fédéral du Sport en Suisse, tous les travaux des chercheurs montrent l’ineptie de cette orientation; le développement de l’enfant dépend prioritairement de sa motricité : « Les travaux des chercheurs montrent clairement de quelle manière les programmes scolaires axés sur le mouvement améliorent la concentration (Shephard, 1997), la mémoire (Kubesch, 2004), l’irrigation du cerveau (Hollmann et al., 2002) et le climat d’apprentissage (Breihecker, 2000). Ces programmes induisent également un changement de comportement durant les loisirs : les enfants bougent plus et passent moins de temps devant la télévision (Dobbins, 2009). L’encouragement de l’activité physique à l’école est également positif pour les enseignants : la satisfaction au travail augmente. Les avantages sont évidents pour l’école dans sa globalité. »

 

Là où le pic d’hyperactivité est le plus grand, c’est-à-dire le matin, on oblige l’enfant à rester assis pendant des heures. Ce qui est contraire à la nature, à la biologie et à la vie de l’enfant. « En 2011, des chercheurs de l’Université d’État des Appalaches ont découvert que faire de l’exercice le matin aidait à mieux dormir le soir, même si cela semble contraire à la logiquepeut-on lire dans le Huffington PostSelon cette étude, dans tous les cas, la pression sanguine de ceux qui font du sport à 7 h du matin était presque 10 % inférieure pendant tout le reste de la journée, et chutait encore d’environ 25 % le soir. Les sportifs du matin dorment plus longtemps, et leur sommeil est plus réparateur que s’ils avaient fait du sport à un autre moment. »

 

Dans le cadre scolaire, c’est malheureusement tout le contraire qui se produit. Le jour, la motricité de l’enfant est bridée. Et le soir, quand l’enfant a le plus besoin de relâchement, on exploite ces compétences motrices. Il y a donc une désynchronisation de la chronobiologie de l’enfant. Pas étonnant que nos enfants Dysfonctionnent, comme en témoigne le cas de pandémie d’hyperactivité médicalisée dans le cadre scolaire. Le soir, durant la période après-scolaire, quand le cycle circadien et l’horloge biologique se préparent à mettre l’organisme au repos et à libérer les hormones sédatives, on impose à l’organisme des activités extrascolaires dynamiques et sportives. Un phénomène généralise, selon une étude la CNAF : « Parmi les enfants âgés de 3 à 10 ans, 53 % pratiquent chaque semaine une activité́ encadrée extrascolaire au sein d’un club, d’une association, d’une maison de quartier, autant une fois par semaine que deux fois par semaine ou plus. Parmi les enfants pratiquant une activité́, 90 % font du sport dont un quart en compétition. »

 

Ces cours se donnent souvent le soir et aux alentours de 19 h. Cette logique est totalement contraire aux lois de la nature et de la chronobiologie de l’enfant. Il est ainsi déconseillé de faire du sport avant de dormir : « Quand une personne s’adonne à son sport avant de dormir, son corps s’échauffe quand elle améliore ses performances. Grâce à cet échauffement, le corps est ainsi protégé d’éventuels accidents musculaires ou de lésions si l’échauffement a été bien fait. Quand la personne pratique son sport, 75 % de l’énergie brûlée va devenir de la chaleur. La température corporelle augmente et des changements hormonaux s’opèrentL’adrénaline, la testostérone et l’endorphine sont alors secrétées en bien plus grande quantité, car le cerveau est en état d’éveil. Donc, cet état n’est pas favorable à un endormissement immédiat et de bonne qualité. En effet, pour avoir un sommeil récupérateur, il faut que l’organisme soit apaisé. Ainsi, les professionnels de santé pensent que le sport doit se pratiquer le matin et en plein air. Il paraîtrait que le cycle naturel serait davantage respecté. Certains sports intenses ou stressants (match de compétition par exemple) peuvent causer des insomnies du fait de la forte production d’adrénaline. »

 

Pas étonnant que nous ayons statistiquement perdu une heure de sommeil au cours du 20ème siècle, à cause notamment du modèle de loisirs sociaux et du cadre pédagogique. Et, de façon corolaire, il n’est pas surprenant de constater la monté en flèche dans le cadre scolaire d’enfants étiquetés à troubles multiples. Sont-ils tous biologiquement déficients ou sont-ils tout simplement fragilisés par le manque de récupération ? Une société qui maltraite pour garder le contrôle et qui ne tient pas compte des besoins et du bien-être et de la santé de ses enfants est une société qui meurt.

 


 

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Source :

https://www.enfant.com/votre-enfant-5-11ans/developpement/rythmes-scolaires-de-quoi-l-enfant-a-t-il-besoin.html

https://www.investigaction.net/fr/la-motricite-mutilee-reflexion-sur-la-chronobiologie-de-lenfant-dans-lenseignement/

https://www.science-et-vie.com/cerveau-et-intelligence/rythmes-scolaires-les-4-avis-scientifiques-que-personne-ne-suit-9086

https://blogs.mediapart.fr/andrew-batell/blog/310113/applications-de-la-chronobiologie-la-planification-des-cours-et-aux-rythmes-scolaires

 

Article :

Investig’Action

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