La loi anti-casseurs est liberticide et est en fait une loi contre le droit de manifester [Vidéos]

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La loi anti-casseurs est en fait une loi contre le droit de manifester

 

Assemblée nationale

Assemblée nationale : La loi «anticasseurs», actuellement discutée au Parlement, a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 5 février 2019. | Richard Ying et Tangui Morlier via Wikimedia Commons

 

 

Les avocats doutent sérieusement de sa constitutionnalité.

 

Après la loi dite « asile », après le projet de loi justice, qui donne la main au parquet pour procéder à toutes les mesures d’investigation (interceptions téléphoniques, géolocalisations, et perquisitions) qui étaient, jusque-là dévolues au juge d’instruction, ce que révèle la loi « anti-casseurs » actuellement discutée au Parlement ne laisse pas de s’interroger sur les acceptions que le pouvoir a de nos libertés fondamentales.

 

Ce n’est pas une loi « anti-casseurs », c’est une loi qui interdit de manifester. La loi pénale fourmille d’incriminations (enrichies tous les ans) permettant de poursuivre et punir les casseurs, fut-ce à l’occasion de manifestations. On en veut pour preuve le nombre considérable de comparutions devant les tribunaux depuis le début du mouvement des « Gilets Jaunes », et celui non moins considérable de condamnations de « casseurs » déjà prononcées.

 

Le Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Paris vient d’adopter à l’unanimité une motion condamnant les dispositions du projet de loi, tant il lui paraît contraire aux principes fondamentaux d’un État de droit démocratique. Cette critique porte sur au moins trois points contenus dans la loi actuellement discutée :

 

 

1. L’article 2 de la proposition de loi prévoit que l’arrêté d’interdiction préventive de manifester peut être notifié « au plus tard quarante-huit heures » avant la manifestation, ou même sans aucun délai, voire au cours de la manifestation, en cas de manifestation non déclarée par ses organisateurs, ou en cas de déclaration tardive. Ce dispositif qui est, rappelons-le, pénalement sanctionné, ne laisse ainsi aucune possibilité à la personne qui se verrait notifier une telle interdiction de saisir le juge des référés pour en contester le bienfondé. En effet, le juge des référés administratif doit disposer, en matière de liberté fondamentale, d’un délai de quarante-huit heures pour statuer (article L 521-2 du code de justice administrative). L’interdiction immédiatement exécutoire ne pourrait donc être examinée par un juge en temps utile.

 

Plus encore, si l’arrêté d’interdiction est notifié à l’intéressé au cours de la manifestation, la personne concernée se trouvera aussitôt sous le coup d’une interdiction et donc en situation de violation de cette interdiction, sans avoir aucune possibilité de saisir le juge pour contester l’arrêté. Et c’est cet arrêté d’interdiction qui, alors notifié en cours de manifestation, placerait l’intéressé en situation de commettre dans le même temps la nouvelle infraction pénale…!

 

Il s’agit d’une atteinte majeure au droit à un recours effectif devant un juge et au principe de légalité des peines.

 

Si le texte prévoit que l’interdiction suppose des agissements antérieurs, il ne précise pas que ces agissements devraient avoir été constatés par une décision de justice, laissant place à l’arbitraire. Il s’agit encore d’une méconnaissance de l’exigence de sécurité juridique, ladite constatation pouvant avoir été effectuée par n’importe quel moyen ou par n’importe quelle autorité.

 

 

2. La proposition de loi actuellement discutée prévoit, en outre, que constitue un délit le fait de « dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime » au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation, sur la voie publique, au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis.

 

Ce faisant, ce dispositif fait dépendre l’existence du délit d’une circonstance aléatoire, indépendante de la volonté de l’intéressé, en l’occurrence lesdits troubles à l’ordre public, commis lors de la manifestation. La seule circonstance dépendante de sa volonté aurait été de se retrouver au sein ou aux abords immédiats de l’événement. Il y a, là encore, une sérieuse atteinte à la sécurité juridique.

 

Ensuite, le dispositif fait appel à la notion de « dissimulation volontaire » de tout ou partie de visage, sans motif légitime. Ce critère présume que la dissimulation du visage est, par hypothèse, illégitime. Et, par une inversion de la charge de la preuve, l’intéressé devrait prouver la légitimité de son couvre-chef, sans que celle-ci ne soit plus précisée par la loi.

 

On crée ainsi une présomption de culpabilité de toute personne qui, aux abords immédiats d’une manifestation, dissimulerait une partie de son visage, pour une raison dont elle ne pourrait démontrer qu’elle est légitime; et ce, en contradiction notamment avec le principe de présomption d’innocence.

 

 

3. Enfin, le texte prévoit la création d’un fichier spécial, sur lequel l’inscription des personnes qui y figureraient ne serait pas subordonnée à la reconnaissance antérieure d’un acte répréhensible par une décision judiciaire définitive.

 

Il s’agit d’une création très contestable en ce qu’elle laisse à l’arbitraire de l’administration l’inscription des « suspects » sans aucun critère objectif constaté par une autorité légitime pour ce faire. Ce dispositif est attentatoire aux libertés fondamentales, car il met en place un traitement de masse et automatisé des comportements individuels, dans un but de restriction des libertés.

 

Les avocats doutent sérieusement de la constitutionnalité de telles mesures.

 

Comme notre confrère François Sureau le dit magnifiquement dans le Monde du 4 février, « La démocratie ne tient pas à des objets matériels [comme] une statue sous l’Arc de triomphe, une porte de ministère. Elle tient à des choses plus invisibles, et c’est à celles-là que le gouvernement s’attaque ». Le droit de manifester, c’est-à-dire le droit d’expression collective de contestation, est en effet consubstantiel à notre démocratie, laquelle s’est faite en 1789, 1848, 1870, et 1968.

 

Cette proposition de loi établit un contrôle administratif du droit de manifester qui n’est pas acceptable. Si, par mégarde, un pouvoir autoritaire arrivait à la tête du pays, il n’aurait pas besoin de changer la loi pour établir un État policier. Tout serait déjà là, à disposition. Il est temps que le Parlement reprenne ses esprits et retrouve notre boussole démocratique !

 


 

Edouard Philippe et Christophe Castaner

Edouard Philippe et Christophe Castaner ont négocié mardi avec les députés de leur majorité. (Sipa)

 


 

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Emmanuel MAcron

Emmanuel Macron (pour illustration)

 


 

Source :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Clément_Viktorovitch

http://www.slate.fr/story/173199/tribune-loi-anticasseurs-contre-droit-manifester

https://www.lejdd.fr/Politique/loi-anticasseurs-comment-la-majorite-a-reecrit-le-texte-de-la-droite-3844568

http://www.avocatparis.org/mon-metier-davocat/publications-du-conseil/loi-anti-casseurs-reaction-du-conseil-de-lordre-du

http://www.leparisien.fr/politique/loi-anticasseurs-le-depute-charles-de-courson-compare-le-texte-avec-le-regime-de-vichy-31-01-2019-8000979.php

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/video-loi-anti-casseurs-amnesty-international-denonce-une-atteinte-a-la-liberte-de-manifester_3166741.html

 

Article :

Basile Ader, Vice-bâtonnier du barreau de Paris / Slate

 

Vidéo :

[1] Clément Viktorovitch démasque la loi hypocritement nommée anti-casseurs – Break NewsTV – Réinformation TV / YouTube

[2] Loi anticasseurs : « On se croit revenu sous le régime de Vichy » dénonce de Courson – Le Parisien / YouTube

[3] Loi « anti-casseurs » : un texte « extrêmement grave » pour Amnesty International – euronews (en français) / YouTube

[4] La loi « anti-casseurs » : utile ou dangereuse ? – Brut / YouTube

 

14 commentaires

  1. Au Québec, à chaque fois qu’il y a une persistance de manifestation (genre au bout de 2 semaines), ils ont droit aux mêmes lois que tout le monde suit parce qu’ils veulent un pays à eux mais sont incapables de se tenir droit; ils acceptent tout en se disant que ça pourrait être pire.

    GO LES GILETS JAUNE!

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      • la loi anti casseurs en France, ça passera pas par le peuple, tandis qu’au Québec, dès qu’il y plus de 2 semaines de manif sur un sujet (important), paf une loi spéciale pour forcer les gens à retourner travailler, ou empêcher d’être plus de 100 personnes, obligation de fournir un itinéraire ET approbation policière, interdiction de porter un masque etc etc
        et les gens arrêtent! Et les gens encouragent cette pratique gouvernementale, l’argument principal c’est « arrêtez de chialer! » et la mentalité là-bas c’est: arrête de te plaindre ça pourrait être pire
        Donc au final personne ne dit rien, tout le monde encaisse parce que ça pourrait être pire.
        Si c’est pas clair te gênes pas 🙂

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      • Je comprends mieux.

        Merci pour le retour.

        Les forces de l’ordre n’ont-ils jamais utilisé chez vous des armes de dispersions sonores ? Je te pose la question car il me semble avoir déjà entendu parler de cela. A moins que je fasse un amalgame avec autre chose.

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      • même les grèves étudiantes qui manifestaient pas juste pour des raisons étudiantes, mais ça touchait toutes les classes, ben les classes, grâce au brainwashing des médias, étaient contre ces manif
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        « Arrêtez de chialer! »

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