Himalaya : L’énigme du lac aux squelettes se complique

 

Étudiée depuis les années 1950, cette étrange fosse mortuaire himalayenne vient de dévoiler de nouveaux indices. Non seulement ses ossements datent d’époques distinctes, mais ils proviennent en plus de continents différents !

 

« On dirait une scène d’horreur. Personne ne profite vraiment de la beauté du paysage. », témoigne Niraj Rai, spécialiste de l’ADN ancien à l’Institut des paléosciences Birbal Sahni (Inde). Il faut imaginer une étendue d’eau au cœur de l’Himalaya, dans une vallée sujette aux éboulements et à de violentes tempêtes de grêle. Les plus courageux y accèdent après trois jours de randonnée. D’août à septembre, lorsque le lac Roopkund et ses rives se libèrent enfin des glaces, c’est pour dévoiler un spectacle macabre : les ossements de 600 à 800 personnes !

 

Qui étaient-elles ? Et comment ont-elles péri dans ce lieu reculé ? Le folklore local décrit une procession royale en pèlerinage vers un sanctuaire hindou proche, frappée par la colère d’une divinité. Mais l’histoire du « lac aux squelettes », étudié depuis les années 1950, se révèle bien plus complexe.

 

« Tout le monde pensait qu’il s’agissait d’un même groupe d’individus morts lors d’un événement unique, mais il n’en est rien. », affirme Niraj Rai. Les proportions comparables d’hommes et de femmes, dont certaines âgées, et l’absence de liens de parenté directs éliminent l’hypothèse d’une armée ou de familles frappées par une catastrophe.

 

Grâce à une étude anthropologique des os, réalisée il y a quelques années, Niraj Rai et ses collègues soupçonnaient déjà qu’il s’agissait d’au moins deux populations distinctes. Puis en compilant le séquençage du génome entier, une estimation du régime alimentaire et la datation au carbone 14 de 38 squelettes, l’équipe a pu retracer un scénario qui s’étend sur plus d’un millénaire et deux continents.

 

 

Des ossements asiatiques et… crétois !

 

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Sur les 38 squelettes étudiés, la majorité, datant du VIIe au Xe s., s’apparente aux Asiatiques du Sud. Les autres seraient venus entre les XVIIe et XXe s., d’Asie du Sud-Est et… de Crète. © Himadri Sinha Roy

 

 

La majorité des individus s’apparentent aux populations actuelles d’Asie du Sud et ont péri entre les VIIe et Xe s. autour du lac. Première surprise, ces voyageurs seraient venus en plusieurs vagues, et de diverses régions d’Inde et des pays alentour. Mais il y a plus déroutant : les autres victimes seraient arrivées mille ans plus tard, entre les XVIIe et XXe siècles, possiblement en une seule fois. Les squelettes sont ceux d’un individu génétiquement proche des Asiatiques du Sud-Est… et de 14 personnes liées aux Crétois d’aujourd’hui !

 

« Le seul indice que nous ayons est la route de pèlerinage qui passe près du lac. », analyse une membre de l’équipe, Éadaoin Harney (Université Harvard). « Cela peut justifier la présence d’individus asiatiques, mais plus difficilement celle du dernier groupe. » Niraj Rai a tout de même sa petite idée : il pourrait s’agir de membres d’une communauté grecque installée au XVIIIe siècle à Calcutta et venus explorer les sommets.

 

Quant aux causes de la mort, aucun signe d’infection ni de mauvaise santé n’a été découvert. Et si trois crânes présentent des fractures compatibles avec des chutes de grêlons, elles ne suffisent pas à expliquer l’ensemble des décès. « Nous n’avons analysé qu’une fraction des centaines de squelettes du lac Roopkund, note Ayushi Nayak, de l’Institut Max-Planck d’Iéna (Allemagne). D’autres surprises sont possibles… »

 


 

Lac - 2

Lac Roopkund / Pour illustration

 


 

Source :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Roopkund

https://www.nature.com/articles/s41467-019-11357-9

https://www.science-et-vie.com/science-et-culture/l-enigme-du-lac-aux-squelettes-se-complique-51671

https://www.geo.fr/histoire/le-mystere-du-lac-des-squelettes-continue-dintriguer-dans-lhimalaya-197112

 

Article :

Coline Buanic / Science et Vie

8 commentaires

  1. Mystère … c’est le mot qui convient tout aussi bien à cette découverte comme à celui de celles et ceux , dont on a retrouvé ces ossements, et qui ont emporté avec elle le mystère de leur fin !!

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    • Curieux en effet. Je ne suis pas spécialiste mais j’aurais tendance à pencher pour une sorte de pèlerinage et vu l’altitude, tout le monde ne peut supporter un tel manque d’oxygène, sauf les locaux dont leur physionomie s’est adaptée.

      Aimé par 1 personne

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