L’adulte surdoué : comment le reconnaître et bien vivre sa douance

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Un adulte surdoué ne connaît pas nécessairement une réussite fulgurante et une carrière incroyable.

 


 

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec 

 

 

Biographie succincte :

Monique de Kermadec est une psychologue clinicienne, psychanalyste et écrivain française. Spécialisée dans les questions qui concernent la précocité intellectuelle chez l’enfant et chez l’adulte, elle est l’auteur de plusieurs livres de vulgarisation scientifique dans ce domaine.

 

Monique de Kermadec fait un double parcours d’études, aux États-Unis, où elle soutient en 1971 une thèse doctorale à l’Université du Texas à Austin, puis en France où elle réalise un cursus en psychologie clinique à l’université Paris-Diderot, obtenant un DESS (1978) puis un DEA (1979). Parallèlement, après une analyse personnelle, elle est admise en formation à l’Association psychanalytique de France en 1979, puis effectue deux contrôles sous la direction d’Annie Anzieu et de Guy Rosolato. Depuis 2011, elle est également membre affilié de l’American Psychological Association.

 


 

Adulte surdoué

 

Homme - PC

 

Accepter le diagnostic tardif

 

 

 

Quand on apprend à 30, 40, 50 ans ou même plus tard qu’on fait partie des 2,3 % de la population à penser et fonctionner différemment, comment faire face ? Après un test tardif, certains apprennent en effet qu’ils sont surdoués. Comment accepter cette annonce comme une renaissance emplie de possibles et non comme un coup de massue nourri de regrets ?

 

Les surdoués, qu’on qualifie aussi de précoces intellectuels ou à haut potentiel (HP), ne se réduisent pas qu’à un QI supérieur à la moyenne (qui oscille entre 90 et 110) : ils ont également une structure cérébrale et un raisonnement très différents des autres. Comme le résume si bien Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne, référence de l’engagement en matière de douance en France et auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet : « Être surdoué ce n’est pas être quantitativement plus intelligent que les autres mais fonctionner avec une forme d’intelligence qualitativement différente en termes de mécanismes et de processus, c’est l’alchimie entre une intelligence supérieure et une réactivité émotionnelle singulière, une hypersensibilité hyper aiguisée ».

 

 

Découvrir sa douance à l’âge adulte

On se pose rarement la question de la douance (le fait d’être surdoué) par hasard. Ainsi, Fanny, 33 ans et mère de 2 enfants, fait part d’un mal-être indéfectible bien qu’inexplicable depuis l’enfance : « Sans vivre dans l’opulence, je n’ai jamais manqué de rien et j’ai toujours été relativement préservée des épreuves difficiles. Malgré ça, je me suis toujours sentie « à part » des gens et j’ai l’impression d’avoir passé ma vie à souffrir intérieurement ». Une vulnérabilité et une solitude propres à de nombreux adultes HP qui pâtissent d’une image très éloignée de l’idée que se fait généralement leur entourage d’eux. Selon Jeanne Siaud-Facchin, « L’image d’Epinal de l’adulte surdoué à la réussite sociale et professionnelle éclatante est tenace. Ce qui est logique puisqu’on se représente déjà l’enfant surdoué comme un élève forcément brillant. Malheureusement pour eux, c’est loin d’être systématique ».

 

Fanny, bien que rarement appréciée par ses professeurs à cause d’un tempérament « bavard et effronté », a pu compter sur de grandes capacités linguistiques et littéraires pour compenser son « ennui mortel doublé d’un profond désintérêt pour les sciences » et ainsi obtenir tous ses examens du premier coup, souvent avec mention, sans quasiment jamais réviser. Lorsque son premier enfant a eu 4 ans, elle s’est étonnée qu’il sache parfaitement s’exprimer depuis longtemps et presque lire alors qu’il portait encore des couches la nuit et piquait des colères « de bébé » sans raison apparente.

 

Un paradoxe entre intelligence supérieure et besoins affectifs primaires bien connu des surdoués. Comme le dit si bien Jeanne Siaud-Facchin : « Les Zèbres (surnom affectueux qu’elle a trouvé pour désigner les personnes surdouées) pensent avec leur cœur, pas leur mental ».

 

 

Quand consulter un spécialiste ?

Lorsque le doute paralyse, empêche de progresser et d’avancer ou que le besoin de savoir, d’infirmer ou de confirmer, de vérifier, de se rassurer devient impérieux voire obsédant, il est essentiel de se poser des questions. Par ailleurs, dès qu’on ne parvient plus à trouver le sommeil ou à se concentrer au travail après s’être reconnu en tous points dans un témoignage de personne surdouée vu, lu ou entendu dans un média sérieux… bref, dès qu’on souffre de ne pas savoir, tout en étant intimement convaincu, consulter un spécialiste peut être judicieux.

 

Il n’est jamais trop orgueilleux, ridicule ou superflu de recourir à un psychologue pour cette raison. Jeanne Siaud-Facchin loue même l’immense courage que suppose une telle démarche. D’autant que, quelle que soit la motivation, solliciter aide et conseil n’est jamais anodin et toujours légitime. Attention toutefois dans le choix du professionnel : les surdoués représentent aujourd’hui un véritable « marché » pour certains praticiens peu scrupuleux, qui n’hésitent pas à dispenser des diagnostics hâtifs voire franchement suspects.

 

« Si quelqu’un vous propose de tester votre QI sur internet sans vous avoir jamais rencontré ou vous donne un diagnostic sur la simple base de ce que vous lui racontez et de son ressenti, fuyez ! », met en garde Jeanne Siaud-Facchin.

 

 

Le bilan complet permettant de confirmer ou d’écarter le diagnostic de douance se déroule en plusieurs étapes clés : un entretien préliminaire portant sur les symptômes cliniques du consultant, et, si l’analyse de la structure de personnalité de ce dernier l’exige, des tests psychométriques type WAIS-IV (pour la 4ème édition du Wechsler Adult Intelligence Scale ou échelle d’intelligence de Wechsler pour adultes). Quelle qu’en soit l’issue, le compte-rendu final ne doit jamais consister en la simple énonciation d’un résultat chiffré mais doit faire l’objet d’explications approfondies et détaillées.

 

Pour évoquer le moment du « verdict, tombé comme un couperet », Fanny ne choisit pas ses mots au hasard. Elle raconte le soulagement mêlé à l’intense colère puis les semaines « compliquées » ayant suivi l’annonce du diagnostic.

 

 

Comment surmonter le choc ?

Quasi systématiquement après l’annonce, une « relecture » de sa vie s’opère. Elle peut durer plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois selon les cas. D’où la nécessité d’être bien accompagné. Jeanne Siaud-Facchin ose même la comparaison entre les différentes étapes de la reconstruction avec celles du deuil : sidération, déni, colère… Le tout est de ne pas s’engluer dans son ressentiment (envers ses parents ou ses professeurs qui « auraient dû voir ») et de ne pas ressasser éternellement « ce qui aurait pu être ». Certes, on aurait pu savoir avant. Mais, on aurait aussi pu savoir bien plus tard voire ne jamais savoir !

 

On peut aussi être tenté de le crier sur tous les toits, pas par vanité mais bien par réel besoin de reconnaissance et d’absolution, comme pour dire : « Vous voyez, j’avais une bonne raison d’être si tatillon, anxieux, impatient… » Toutefois, la psychologue et psychanalyste Monique de Kermadec, également auteure d’ouvrages consacrés à la douance, souligne le risque de s’attirer plus de jalousie et d’inimitié que d’enthousiasme et de compassion : « Si un bon parent se réjouira pour vous, la grande majorité de votre entourage risque plutôt de vous envier ce quelque chose en plus qu’il n’a pas ».

 

Il y a aussi le risque de tomber dans le « A mon âge, à quoi bon ? ».

 

Enfin, les adultes HP en proie à un puissant conflit entre vrai self et faux self (la personnalité de façade développée pour mieux s’intégrer) peuvent être tentés de tomber le masque soudainement face aux supérieurs, collègues, beaux-parents… Jeanne Siaud-Facchin met en garde contre cet écueil : « Attention à ne pas vous transformer du jour au lendemain. Pas question d’aller soudainement réclamer une augmentation sous prétexte que vous valez mieux par exemple. Si le but est de renouer avec votre vraie personnalité ou de vous défaire de certaines personnes toxiques (le surdoué étant la proie idéale des personnalités perverses), cela doit se faire progressivement ».

 

 

Bien vivre avec sa douance découverte sur le tard

Les adultes HP ou zèbres peuvent être rassurés ! Il est possible d’être surdoué et heureux ! Encore faut-il s’en donner les moyens. Et si vous commenciez par voir les choses du côté positif ? « L’intelligence ? Quelle chance ! L’empathie ? Une compétence ! La créativité ? Le talent des leaders ! », s’enthousiasme Jeanne Siaud-Facchin. Réjouissez-vous : vos rêves sont à portée de main.

 

Il a fallu de longs mois à Fanny pour se défaire des émotions négatives qui ont suivi le diagnostic : « Je lisais tous livres sur le sujet et passais mon temps à me morfondre, à imaginer ce qu’aurait pu être ma vie si j’avais su plus tôt, à penser que j’aurais été heureuse, que j’aurais fait d’autres choix, que j’aurais peut-être vécu ma vie plutôt que de vivre celle des autres. Il a fallu longtemps pour que je prenne conscience que tout n’était pas perdu et que je pouvais encore redevenir moi-même, m’épanouir et me réaliser pleinement ». Quant à son aîné, il vient lui aussi d’être diagnostiqué surdoué… et le benjamin semble prendre le même chemin !

 


 

Time : 27 mn 38 / [2/2]

 


 

Femme - Livre

 


 

Source :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Surdoué

https://fr.wikipedia.org/wiki/Monique_Huon_de_Kermadec

http://sante.lefigaro.fr/article/-la-douance-n-est-pas-une-superiorite-/

https://www.doctissimo.fr/psychologie/intelligence/adulte-surdoue-diagnostic

 

Article :

Anne-Flore Gaspar-Lolliot, Journaliste / Doctissimo

Interview de Fanny, le 20 novembre 2015

Interview de Jeanne Siaud-Facchin, le 1er décembre 2015

 

Vidéo :

[1] Adulte surdoué : comment le reconnaître ? – Monique de Kermadec – marie France / YouTube

[2] Monique de Kermadec : L’adulte surdoué : bien vivre sa douance – Mensa Île-de-France / YouTube

 

Photo :

Pour illustration

15 commentaires

  1.  »Un adulte surdoué ne connaît pas nécessairement une réussite fulgurante et une carrière incroyable. » c’est vrai ! Un surdoué est capable du meilleur et du pire et peut prendre, malgré son intelligence, des décisions complètement irréfléchies. C’est pas facile d’être quelqu’un de surdoué, que ce soit vis-à-vis des autres ( pas toujours compris ) et vis-à-vis de soi également.

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  2. Bonsoir Aphadolie,

    Je découvre, avec retard, votre article sur une thématique qui m’est particulièrement chère.
    J’y retrouve, avec bonheur, Monique de Kermadec qui est intervenue, il y a quelques temps, dans le cadre d’un congrès Douance organisée par l’une de mes contacts.

    Vous pourriez ajouter aussi les ouvrages de Chrystelle PETITCOLIN (« Je pense trop, comment canaliser ce mental envahissant » et son tome 2) qui m’ont permis d’aller à ma rencontre et apporté des clés de compréhension d’une vie… « en suspens ». Selon l’âge, et les singularités des profils, elle n’y conseille d’ailleurs pas nécessairement de passer les tests.

    Ces référentes (majorité féminine notable ;-)..), elles-mêmes « HP », sont d’une aide précieuse.

    Merci donc, pour ce cadeau d’ »avant-Noël ». 😉
    Très belle année 2020.

    Catherine

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    • Bonjour Catherine,

      Si vous avez quelques références (Url) a me communiquer, je les mentionnerai dans l’article (partie source).

      Et tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

      Cordialement.

      Éric / Aphadolie

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  3. Je vous rejoins sur de nombreux points… difficultés des zèbres en entreprise : victime des « harceleurs », ennui au travail, incompréhension…
    Je n’ai jamais parlé de ma « différence » au boulot et je ne le ferai pas. Par contre, en avoir conscience permet une prise de recul. Il est possible de s’adapter.
    Je viens d’écrire un post sur mon expérience personnelle en entreprise… si cela vous intéresse
    https://introverti.news.blog/2020/02/13/comment-survivre-en-entreprise-quand-on-est-surdoue/

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  4. Merci pour cet article qui est un bon résumé et montre un des aspects de la douance. C’est la perspective la plus communément prise par les psys. La douance vue comme un cadeau : « vos rêves sont à portée de main » et aussi comme une souffrance possible du fait du décalage avec les autres. Le déni, la sidération et la colère sont souvent là effectivement quand l’annonce tombe à l’âge adulte. Il existe une autre perspective, plus fondamentale peut-être, celle de la quête de sens et de la remise en cause des récits. Carlos Tinoco est un de ceux qui l’expliquent le mieux. Moi personnellement je reprendrais l’idée de cadeau, de potentiel, de don (gifted) : c’est comme si on m’annonçait que j’étais riche alors que j’ai vécu pendant des année comme un smicard. Beaucoup me diraient « alors qu’est-ce que tu attends ? il n’y a pas de quoi être en colère ou déprimé, vas-y ! accompli tes rêves » .Mais je n’en ai quoi faire de savoir que je peux m’acheter un château, une voiture de luxe ou faire le tour du monde, cela ne va rien m’apporter. Donc ce n’est pas un cadeau, c’est une façon différente de voir le monde et, surtout, de s’interroger sur le monde et sur soi-même, sur la vie, la mort, des choses profondes, plus importantes que de réaliser ses rêves.

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