Au fond de la Manche, ces déchets nucléaires qui inquiètent [Vidéos]

Time : 4 mn 10 / [1/2]

 

A bord du Rainbow Warrior III, Greenpeace a mené une nouvelle opération le long des côtes du Cotentin, ce vendredi, au cœur d’une zone sensible comprenant notamment l’usine de retraitement des déchets nucléaires d’Orano, à la Hague, l’EPR de Flamanville (Manche), et proche de la fosse sous-marine des Casquets, où ont été déversés des déchets pendant des dizaines d’années.

 

Munis de plusieurs banderoles, les activistes de l’ONG internationale ont dénoncé, entre autres, le « fiasco » de l’EPR et les rejets -légaux- pratiqués directement dans la mer par l’usine de la Hague.

 

Une « piqûre de rappel », selon Yannick Rousselet, chargé de mission à Greenpeace France et habitant de la région.

 

Dans un communiqué, Orano rappelle de son côté qu’elle « dispose d’autorisations de rejets fixées par la réglementation française qui font l’objet d’un contrôle strict par les autorités » et que ces « rejets liquides n’ont pas d’impact sanitaire ».

 


 

Toujours plus de déchets radioactifs dans la Manche

 

Déchets nucléaires - 1

Entre la Centrale de Flamanville, le Centre de stockage de la Manche ou encore l’usine de retraitement de la Hague, le Cotentin est l’un des endroits les plus nucléarisés du monde. LP/Guillaume Georges

 

 

Terre, air ou mer, Greenpeace se déploie sur tous les terrains pour alerter l’opinion sur le nucléaire et à ses conséquences. Vendredi, c’est au large du Cotentin (Manche) que l’ONG avait choisi de monter une opération à bord du Rainbow Warrior III.

 

Le choix du Cotentin n’est pas anodin. C’est en effet l’un des endroits les plus nucléarisés du monde. Entre la Centrale de Flamanville (deux réacteurs en fonctionnement, plus l ‘EPR en cours de construction ), le Centre de stockage de la Manche (CSM), l’usine de retraitement de la Hague et les sous-marins nucléaires à Cherbourg, l’atome y est roi.

 

Sorti du port de Cherbourg dès potron-minet pour s’aider de la marée, tant les courants sont puissants, le voilier à deux mâts et cinq voiles a effectué une sorte d’« atomic tour » devant les principaux sites. À chaque étape, des banderoles sont déployées : « Pollution nucléaire » ou encore « Déchets nucléaires, ça déborde ».

 

 

Déchets nucléaires - 2

LP/Guillaume Georges

 

 

« Le Cotentin concentre ce que l’industrie nucléaire a fait de pire. », assène Yannick Rousselet, chargé de mission nucléaire à Greenpeace. « Implanter un centre de stockage et une usine de retraitement sur un marais ; construire un réacteur nucléaire qui cumule les malfaçons ; et surtout se débarrasser des déchets directement… dans la mer ! »

 

Et l’expert de Greenpeace de se remémorer les « missions coup de poing » où les militants partaient en mer sur de petites embarcations pour venir se coller aux navires chargés de fûts hautement toxiques. « Ça ne les arrêtait nullement de tout balancer. », se souvient-il. « Tant pis si l’un d’entre-nous se trouvait juste en dessous. »

 

 

La fosse des Casquets, la poubelle nucléaire

Entre 1946 et 1993, quatorze pays ont ainsi procédé à des immersions de déchets radioactifs dans plus de 80 sites situés dans les océans Pacifique, Atlantique et Arctique. La moitié de ces immersions a été effectuée dans la zone Atlantique Nord-Est. Notamment au large des côtes françaises.

 

Un site en particulier a servi de poubelle nucléaire sous-marine. En 1967 et 1969, la fosse des Casquets (ou Hurd’s deep pour les Anglais), à 15 km des côtes du Cotentin, a ainsi accueilli à une centaine de mètres sous l’eau, 14 200 t de déchets, provenant du site nucléaire du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Marcoule (Gard), géré par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Déchets auxquels se sont ajoutés 3 000 t supplémentaires de Grande-Bretagne et de Belgique. En 1993, une convention internationale a finalement été signée pour interdire définitivement cette pratique.

 

 

Un système de prélèvements et d’analyses douteux

Cela a-t-il découragé l’industrie nucléaire de continuer à rejeter ses déchets en mer ? Non. D’autres moyens ont été trouvés. De la Hague, un pipeline long de 4 km s’enfonce à une soixantaine de mètres sous la mer pour déverser, en toute légalité, un cocktail de matière radioactive :

  • Tritium.
  • Césium.
  • Strontium.
  • Uranium.
  • Plutonium.

 

 

Avec un volume de radioactivité équivalent chaque année à deux fois et demie les émissions de l’ensemble des déchets reposant au fond des Casquets.

 

« Comme toute installation industrielle, le site Orano la Hague dispose d’autorisations de rejets fixées par la réglementation française qui font l’objet d’un contrôle strict par les autorités », se défend Orano (ex-Areva), qui gère le site de la Hague. Problème : les prélèvements et analyses sont réalisés en interne, avant d’être envoyés à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Un peu comme si c’était l’automobiliste qui envoyait ses relevés de vitesse à la gendarmerie. Or c’est ce système de surveillance, basé sur la confiance, et sans véritable contrôle extérieur, qui a permis le scandale des dossiers falsifiés par Areva à sa forge du Creusot (Saône-et-Loire) pendant près d’un demi-siècle.

 

Quant aux fûts eux-mêmes, Greenpeace a envoyé en 2000 un drone sous-marin pour les filmer. Ce dernier en a rapporté des images édifiantes. Rongés par la rouille et le sel, certains étaient déjà éventrés. En 2015, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a elle aussi procédé à ses propres relevés. Qu’a-t-elle trouvé ? « Des concentrations élevées » de radionucléides provenant de « fuites de colis » (NDLR : autre nom pour les fûts). Fataliste, elle rappelle d’ailleurs que ces colis « avaient pour but de s’assurer que les déchets soient transportés intactes au fond de l’océan, il était donc attendu qu’une lente dispersion dans l’eau environnante puisse arriver ».

 

 

Déchets nucléaires - 3

LP/Guillaume Georges

 

 

Dangereux de bouger les fûts au fond de la mer

Que peut-on faire ? Pas grand-chose malheureusement.

 

« Le niveau de dégradation des fûts est tel qu’il est compliqué, voire dangereux, de les bouger du fond de la mer », déplore Yannick Rousselet. Le ministère de l’Environnement se veut rassurant : « Lors des dernières campagnes de surveillance de ces fûts, les résultats des analyses d’échantillons collectés n’ont montré aucune augmentation importante des concentrations des radionucléides représentatifs des déchets immergés. », explique-t-on au ministère. « Et la radioactivité observée dans la zone des déchets immergés se confondait aux fluctuations de la radioactivité naturelle de ces fonds marins. »

 

 

Il suffirait pourtant que plusieurs fûts se percent dans un laps de temps rapproché, et que des courants défavorables transportent leur funeste contenu vers les côtes, pour que le danger soit réel. « Sauf que contrairement au pétrole, c’est une pollution qui ne se voit pas », alerte encore Yannick Rousselet.

 


 

Bonus…

Time : 3 mn / [2/2]

 


 

Déchets nucléaires - B

 


 

Source :

http://www.leparisien.fr/societe/toujours-plus-de-dechets-radioactifs-dans-la-manche-17-08-2019-8134896.php

 

Article :

Erwan Benezet / Le Parisien

 

Vidéo :

[1] Au fond de la Manche, ces déchets nucléaires qui inquiètent… – Le Parisien / YouTube

[2] Années 60 et les déchets radioactifs à la mer | Franceinfo INA – Ina Actu / YouTube

 

Photo :

Pour illustration

 

Voir notamment :

Déchets nucléaires : Les océans-poubelles de l’Europe [Vidéo]

9 commentaires

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.