Juger et critiquer les autres : une habitude fréquente chez les personnes frustrées

 

Dans notre société cartésienne qui fait de la pensée la condition sine qua non de l’existence, nous sommes appelés à utiliser notre sens critique. Mais pour certains, cet exercice de l’esprit est devenu une manie : ils assènent des jugements à longueur de journée, « tirent sur tout ce qui bouge », se condamnant eux-mêmes à l’isolement. Pourquoi cette hargne ?

 

Ils ont une opinion sur chacun, et nul ne trouve grâce à leurs yeux. Incapables de tolérance, le jugement est devenu pour eux une façon d’exister. Que cachent leurs critiques acerbes ?

 

Nous pourrions dire que certaines personnes ne jugent pas des situations de façon ponctuelle et isolée, mais elles assument le rôle de juge pour les petits événements de l’existence des autres, sans que personne ne leur ait rien demandé.

 


 

« Je déteste les jugements qui écrasent et ne transforment pas. »

 

Elías Canetti (1905-1994), écrivain d’expression allemande

 


 

Il serait donc intéressant d’observer quelques caractéristiques communes de ces juges improvisés, qui n’ont ni robe, ni perruque blanche; mais qui se permettent parfois d’exécuter des sentences douloureuses et toxiques à tout leur entourage.

 

 

Les personnes qui jugent les autres :

 

Généralement, elles détestent une grande partie de leur vie. C’est pourquoi, elles tentent d’intoxiquer la vie des autres, dans la mesure du possible.

 

Elles ne sont pas satisfaites de ce qu’elles font et elles prennent très mal le fait que quelqu’un soit satisfait.

 

Elles ne sont pas faciles à détecter car ce ne sont pas des personnes froides. Elles n’ont généralement pas non plus de mauvais sentiments. Cependant, elles sont fortement frustrées et la frustration conduit à l’agressivité, qui peut se manifester de différentes façons.

 

Elles sont tourmentées et préoccupées par les décisions qu’elles ont prises, qui n’étaient pas réellement souhaitées.

 

Elles aiment justifier leurs choix de vie en dénigrant la vie des autres. Souvent, elles diront : « Après tout je ne suis pas si mal, regarde X ».

 

– Indubitablement, elles parlent des gens et non d’idées.

 

Elles donnent leur avis sur les autres, non pas depuis un point de vue global qui comprendrait tant les échecs que les réussites de la personne, mais elles jugent en se basant sur des généralisations qui les ancrent dans le réductionnisme, la bêtise et la subjectivité.

 

– Elles ont des valeurs qui ne servent pas à les apaiser ou à aider leur entourage, mais à juger les autres de façon continue.

 

Elles ont peu de hobbies et d’activités qui leur paraissent intéressantes.

 

Elles sont très peu autocritiques envers ce qu’elles accomplissent. Elles n’aiment pas se sentir jugées sur une tâche qui les obligerait à démontrer leur implication.

 

– Elles sont facilement irritables.

 

– Selon elles, les réussites des autres sont dues à des causes externes, instables et spécifiques, et les leurs sont dues à des causes internes, stables et non-spécifiques à la situation. En d’autres termes, leur réussite est justifiée, et celle des autres est généralement le fruit du hasard.

 

– Leurs critiques reflètent la plupart du temps leur désir d’expérimenter ce que la vie leur a refusé ou ce qu’elles n’ont pas réussi à obtenir.

 

Elles ne cherchent pas à s’améliorer. Elles considèrent que la meilleure façon de se mettre en avant c’est de réduire la valeur des personnes qui les entourent.

 

– Leurs jugements peuvent être légers et privés ou dangereux et publics.

 

 

Vous devez ignorer ces personnes et ne jamais leur offrir la chance de blesser votre réputation personnelle ou professionnelle face à un grand nombre d’amis, à certains membres de votre famille ou toute autre audience.

 

Face à ce genre de personnes, la seule arme utile est l’ignorance. Cependant, vous devez rester sur vos gardes et vous préparez pour ne pas qu’elles dépassent les limites de votre intimité de façon déplacée.

 


 

« Il y a des bougies qui éclairent tout sauf leur propre chandelier. »

 

Friedrich Hebbel (1813-1863), poète et un dramaturge allemand

 


 

Homme - Doigt

 

 

Peur d’être jugé

En s’attribuant l’autorité suprême du juge, l’individu cherche à se sentir intouchable, tel un dieu prononçant les dernières sentences. Derrière ce désir de puissance se cache la peur inconsciente d’être soi-même la cible des jugements : « Cela tient au fait que nous fonctionnons en miroir les uns par rapport aux autres », affirme Yolande Gannac-Mayanobe, psychologue clinicienne. « La remarque négative que nous faisons sur autrui n’est bien souvent qu’une réflexion – au sens d’image – de nous-même. » Ce travail inconscient, appelé projection, est un mécanisme d’autodéfense : en refusant de « passer de l’autre côté du miroir », où se trouve justement la vérité qui le concerne, l’individu évite une confrontation directe et psychiquement insupportable avec sa part d’ombre.

 

Lorsque la critique est constante et incarnée, le plus probable est que les objets sur lesquels elle s’appuie ne soient plus les erreurs que vous commettez, mais plutôt les manifestations d’un mécanisme de défense connu sous le nom de « projection ».

 

C’est-à-dire que ces personnes vous voient comme un miroir : elles critiquent en vous ce qu’elles n’aiment pas d’elles-mêmes.

 

 

Accepter d’avoir tort

Le jugement est l’expression d’une volonté de puissance et de domination qui tient au désir d’avoir toujours raison. Or, personne ne peut avoir le dernier mot sur tout. Admettre ses lacunes et ses faiblesses permet de juger lorsqu’on possède des arguments rationnels et valables. Il ne s’agit pas de taire son jugement, mais de faire en sorte qu’il retrouve son sens noble : la preuve d’une maturité intellectuelle et l’allié de la connaissance et du discernement.

 


 

« Notre critique consiste à reprocher aux autres de ne pas avoir les qualités que nous croyons avoir. »

 

Jules Renard (1864-1910), écrivain et auteur dramatique français

 


 

Ceux qui vous critiquent

De la même manière que nous sommes tous admirables dans une certaine mesure, nous sommes également tous critiquables. Si vous cherchez des défauts moraux à Saint-François d’Assises, vous en trouverez. Si vous cherchez des citations idiotes d’Albert Einstein, vous en trouverez également. C’est ici précisément que se trouve le cœur du problème : chacun choisit ce qu’il voit et ce qu’il ne voit pas chez les autres.

 

Généralement, ce choix est associé à la manière dont la personne qui évalue se perçoit elle-même. C’est-à-dire que si elle s’apprécie, elle verra ce qu’il y a de bon chez elle, et donc également chez les autres. Et vice-versa.

 

Cependant, certaines personnes ne se contentent pas de critiquer en faisant ressortir ce qu’il y a de pire chez les autres, mais elles s’attaquent à une personne ou à un groupe en particulier pour donner plus de pertinence à leurs évaluations acerbes. Pourquoi cela se produit-il ?

 

 

Que se passe-t-il au fond ?

Ce qui se passe au fond c’est que les échecs des autres, de manière inconsciente, évoquent leurs propres échecs. Elles ne tolèrent pas chez les autres ce qu’elles ne tolèrent pas chez elles. En d’autres termes, elles projettent sur les autres leurs propres erreurs, pour ne pas remuer le couteau dans la plaie narcissique qu’elles ne parviennent pas à assumer.

 

Critiquer pour critiquer est toujours le fruit d’une projection. Il est tout fait normal de critiquer ceux qui sont porteurs des mêmes défauts que ceux que nous avons. Mais nous ne le faisons pas exprès, nous ne sommes quasiment jamais conscients que nous le faisons. Il est dès lors important d’être attentif à ce que nous ne supportons pas chez les autres.

 

Si nous aiguisons notre sens de l’observation, nous pouvons nous rendre compte que cette intolérance est exactement la même que celle que nous ressentons envers nos défauts. De la même manière, lorsque nous sommes critiqués, nous ne devons pas prendre tout ce que l’on nous dit en considération. Nous devons réfléchir aux raisons qui ont poussé une personne à faire ressortir ces éléments négatifs de notre personnalité.

 

Il est très probable que nous arrivions alors à la conclusion que la critique, en réalité, pointe vers une de ses parts d’ombre, et pas forcément vers l’un de nos défauts.

 

 

Conseils à l’entourage

Le « juge » n’épargne personne, pas même ses proches. Se soumettre à ses critiques, c’est risquer de perdre toute estime de soi et de développer le syndrome du « vilain petit canard » : « A force d’entendre dire que je suis mauvais, je deviens mauvais. » Comme le juge reste toujours persuadé de la pertinence de ses critiques, mieux vaut l’aider à prendre conscience de l’invalidité de ses critiques en lui demandant des preuves concrètes de ce qu’il assène.

 

On peut aussi se rappeler que par les critiques qu’il porte sur les autres, c’est lui-même que le « jugeur » vise. Et l’on se répétera, avec le sociologue Jean Baudrillard, qu’« un jugement négatif est plus satisfaisant qu’une louange, tant il respire la jalousie ».

 


 

« Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. »

 

Antoine de Saint Exupéry (1900-1944), écrivain, poète, aviateur et reporter français

 


 

Source :

https://nospensees.fr/11390-2/

https://nospensees.fr/celui-qui-vous-critique-ne-saime-pas-lui-meme/

https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Je-juge-tout-le-monde

 

Article :

Laura Lil / Psychologie

Nos Pensées

 

Photo :

Pour illustration

27 commentaires

  1. …Raison supplémentaire de se méfier des abstèmes. Ce faisant je passe moi-même un jugement. Mais je préviens tout zozo qui s’avise d’imprudemment pointer cavalièrement son index dans ma direction que je tire très bien et vite et que je ne suis pas affligé de bonté congénitale.

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  2. Un titre de la fraîchement trépassée – mais toujours excellente – Claire Bretécher résumait ce long texte: « Les Frustrés ». Plus vache, Louise de Vilmorin assénait: « La tolérance? Il y a des maisons pour ça ». Ah! Toutes nous manquent bien…

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  3. “Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui.” disait Saint Exupéry et il avait raison car c’est le propre des personnes frustrées. Le problème est que, malheureusement, la frustration conduit à l’agressivité. En conséquence de quoi, la meilleure chose à faire est d’ignorer ce genre de personnes.

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    • Bonjour Lisa.

      Merci pour votre commentaire. Cela faisait quelques temps que je n’avais publiés sur le sujet. J’ai repris une liste d’anciens articles que voulais publier mais parfois l’information de jour, vous fait remettre au lendemain ce que vous aviez décidé de faire.

      Je vous cite : « Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. », disait Saint Exupéry et il avait raison car c’est le propre des personnes frustrées.

      Je ne saurais dire si c’est le propre des personnes frustrées mais dans un contexte général et je ne m’en exclue pas, Saint Exupéry avait raison.

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