Un décret scélérat autorise la destruction des moulins, canaux, étangs et plans d’eau sur simple formalité, sans étude d’impact ni enquête publique !

 

Détruire une chaussée de moulin, assécher un bief, un canal ou un étang, effacer un plan d’eau, changer le lit de la rivière : tout cela est désormais possible sur simple déclaration et non autorisation comme avant. C’est-à-dire sans étude d’impact environnemental et social, sans enquête publique, sans information des citoyens.

 

Par un décret et un arrêté venant de paraître au journal officiel, la technostructure de l’eau met bas les masques : en guise de « continuité apaisée » à laquelle ont pu croire quelques naïfs, c’est le blanc-seing à la destruction facilitée et accélérée des héritages de nos rivières. Provocation pour les amoureux du petit patrimoine des bassins, mais aussi erreur majeure sur le rôle écologique de ces milieux en eau d’origine anthropique, lesquels méritent une protection accrue et non une facilitation de leur destruction par des apprentis-sorciers obéissant à des modes sous-informées. Hydrauxois a demandé à ses conseils de travailler à une double riposte : requête en annulation de ces textes et formulaire simplifié de plainte pénale de terrain, qui permettra à tout citoyen ou association d’attaquer les chantiers qui détruisent la ressource et les milieux en eau.

 

 

Grue

 

 

Le décret n°2020-828 du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature et la procédure en matière de police de l’eau vient de paraître au journal officiel.

 

Il est complété par un arrêté du 30 juin 2020 définissant les travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques relevant de la rubrique 3.3.5.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, aussi paru au journal officiel.

 

Le premier texte crée un nouveau type de travaux en rivière, tenant à la « restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques ».

 

« 3.3.5.0. Travaux, définis par un arrêté du ministre chargé de l’environnement, ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques, y compris les ouvrages nécessaires à cet objectif (D).

 

« Cette rubrique est exclusive de l’application des autres rubriques de la présente nomenclature.

 

« Ne sont pas soumis à cette rubrique les travaux n’atteignant pas les seuils des autres rubriques de la présente nomenclature. »

 

En clair, tous les travaux de restauration morphologique et de continuité écologique entrent désormais dans la catégorie des simples déclarations (D) et non des autorisations. Cela sans limite d’impact même si des milliers de mètres linéaires de rivière et canaux ou des milliers de mètres carrés de plans d’eau sont affectés.

 

 

L’arrêté donne la mesure de tout ce qui est concerné :

1° Arasement ou dérasement d’ouvrage en lit mineur ;

2° Désendiguement ;

3° Déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d’eau ou rétablissement du cours d’eau dans son lit d’origine ;

4° Restauration de zones humides ;

5° Mise en dérivation ou suppression d’étangs existants ;

6° Remodelage fonctionnel ou revégétalisation de berges ;

7° Reméandrage ou remodelage hydromorphologique ;

8° Recharge sédimentaire du lit mineur ;

9° Remise à ciel ouvert de cours d’eau couverts ;

10° Restauration de zones naturelles d’expansion des crues ;

 

11° Opération de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques prévue dans l’un des documents de gestion suivants, approuvés par l’autorité administrative :

a) Un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) visé à l’article L. 212-1 du code de l’environnement ;

 

b) Un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) visé à l’article L. 212-3 du code de l’environnement ;

 

c) Un document d’objectifs de site Natura 2000 (DOCOB) visé à l’article L. 414-2 du code de l’environnement ;

 

d) Une charte de parc naturel régional visée à l’article L. 333-1 du code de l’environnement ;

 

e) Une charte de parc national visée à l’article L. 331-3 du code de l’environnement ;

 

f) Un plan de gestion de réserve naturelle nationale, régionale ou de Corse, visé respectivement aux articles R. 332-22, R. 332-43, R. 332-60 du code de l’environnement ;

 

g) Un plan d’action quinquennal d’un conservatoire d’espace naturel, visé aux articles D. 414-30 et D. 414-31 du code de l’environnement ;

 

h) Un plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) visé à l’article L. 566-7 du code de l’environnement ;

 

i) Une stratégie locale de gestion des risques d’inondation (SLGRI) visée à l’article L. 566-8 du code de l’environnement ;

 

 

12° Opération de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques prévue dans un plan de gestion de site du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres dans le cadre de sa mission de politique foncière ayant pour objets la sauvegarde du littoral, le respect des équilibres écologiques et la préservation des sites naturels tels qu’énoncés à l’article L. 322-1 susvisé.

 

 

C’est donc une machine de guerre pour tuer la démocratie des rivières et des bassins versants, faciliter la destruction de tous les milieux aquatiques façonnés par l’humain au cours de l’histoire (biefs, canaux, étangs, plans d’eau), destruction qui sera réduite à une simple formalité interne aux administrations, sans lien au public.

 

Nous avions mis en garde voici un an, lors de la courte enquête publique sur ce projet de décret. Mais rien n’y a fait, malgré les nombreuses oppositions exprimées lors de cette enquête.

 

La fin du régime d’autorisation sous prétexte de « restauration de fonctionnalités naturelles » signifie ainsi pour les collectifs et associations impliqués sur la continuité écologique, et pour les citoyens en général :

 

  • quasi-impossibilité d’être informés des projets (la déclaration est un simple courrier sans publicité à la DDT-M),

 

  • absence d’étude des impacts riverains / usages / environnement,

 

  • fin de l’enquête publique qui permettait aux citoyens de s’exprimer (en général, contre les casses) et aux associations de préparer des recours contentieux éventuels contre l’arrêté d’autorisation,

 

  • possibilité de casser « à la chaîne » pour les maîtres d’ouvrage de type syndicats de rivière ou fédérations de pêche.

 

 

Face à ce danger majeur de régression du droit des riverains et du droit de l’environnement, l’association Hydrauxois :

 

  • a immédiatement mandaté son conseil juridique pour une analyse du texte en vue d’une requête en annulation,

 

  • demande aux parties prenantes du processus dit de « continuité écologique apaisée » de tirer les conséquences de cette provocation sur des soi-disant « concertations » dont le résultat est une déclaration de guerre aux ouvrages et aux milieux que ces parties prenantes sont censées défendre,

 

  • appelle l’ensemble des associations, collectifs et syndicats à non seulement exprimer leur indignation aux parlementaires et à la ministre de l’écologie, mais aussi à organiser sur chaque terrain la réponse militante et judiciaire que méritent les dérives des fonctionnaires de l’eau.

 

 

Alors que le processus d’autorisation et d’enquête publique est justement une procédure d’organisation de la démocratie consultative et délibérative, leur suppression aura pour conséquence une insécurité pour tout le monde : les plaintes seront des démarches individuelles et imprévisibles, les services publics à l’origine de ces troubles dans la vie des riverains ne seront évidemment pas tranquillisés dans l’exercice de leurs fonctions. Quant à la continuité des rivières, elle sera plus que jamais synonyme de violence institutionnelle, de dogme sans preuve de bénéfices, d’absurdité anti-écologique et anti-sociale.

 

Nous allons travailler à un guide simplifié de dépôt de plainte pénale pour destruction de milieux et mise en danger des tiers par changement d’écoulement, qui permettra d’ouvrir rapidement des instructions contre tous les projets refusant de faire des études complètes d’impacts sur les milieux et les tiers.

 


 

Source : 

http://www.hydrauxois.org/2020/07/un-decret-scelerat-autorise-la.html

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/6/30/TREL2011759A/jo/texte

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/6/30/TREL1910642D/jo/texte

https://lesmoutonsenrages.fr/2020/08/11/un-decret-scelerat-autorise-la-destruction-des-moulins-canaux-etangs-et-plans-deau-sur-simple-formalite-sans-etude-dimpact-ni-enquete-publique/

 

Article :

Hydrauxois

 

Photo :

Pour illustration

18 commentaires

  1. Ils vont encore se retrouver avec des révoltes et des gens qui vont occuper les chantiers et bloquer les travaux comme ce fut le cas pour la construction du deuxième aéroport de Nantes.
    Ils ont intérêt à avoir de très bons arguments qui soient solides, concrets et très justifiés pour expliquer leurs travaux : empêcher les inondations, améliorer la construction de digues etc sinon ils iront à l’échec.

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  2. Pour ce qui d’Amazon il y a deux raisons : la volonté de s’implanter sur le territoire pour mieux le desservir et faire concurrence aux magasins traditionnels y compris les hyper. Les deux autres raisons sont les emplois créés.
    A chaque fois qu’Amazon a implant un de ces vastes dépôts, c’était dans des régions où le chômage était important. Enfin, il y a une raison financière : les taxes reversées à la commune qui accepte Amazon sur ses terrains et qui verra son budget augmenter pour lui permettre de faire des investissements.
    On a connu voici un peu plus de 50 ans le même problème avec les centrales nucléaires. Il y eut de nombreuses protestations et désormais les habitants manifestent dès qu’on en ferme une. La cause ? Ces communes ont vu leurs budgets grossir et ont pu faire des investissements que des communes plus importantes qu’elles ne pouvaient réaliser.
    Magouille financière dans le cas d’Amazon ? Je ne pense pas et croit qu’il s’agit avant tout de pragmatisme économique et budgétaire.

    Aimé par 1 personne

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