70% des terres agricoles de la planète appartiennent à seulement 1% des propriétaires !

 

Une coalition de 250 organisations, l’Internationale Land Coalition, tire la sonnette d’alarme sur l’inégalité foncière dans le domaine de l’agriculture au travers d’un rapport publié le 24 novembre. Selon ce rapport 1% des exploitants s’occuperaient de 70% des terres agricoles. Une telle concentration a des conséquences environnementales, sociétales et politiques graves selon les auteurs du texte.

 

 

 

 

Dans une étude présentée le 24 novembre 2020, un groupe d’experts, membres de l’International Land Coalition, affirment que l’inégalité des terres augmente dans la plupart des pays. Pire, les nouveaux résultats prouvent que l’inégalité foncière est nettement plus élevée que ce qui avait été enregistré par le passé. Les données actuelles font état d‘une augmentation de 41 % par rapport à celles habituellement recensées.

 

Le rapport, intitulé « Uneven Ground : land inequality at the heart of unequal societies », est le premier du genre. Il jette un nouvel éclairage sur l’ampleur et la rapidité du phénomène croissant d’accaparement des terres. Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un vaste partenariat mené par l’International Land Coalition (ILC), dont fait partie le Cirad, et en étroite collaboration avec Oxfam.

 

« Nous avons mis en œuvre une nouvelle manière de mesurer l’inégalité des terres, en utilisant une méthode qui va au-delà de la répartition de la taille des terres saisie par le recensement agricole traditionnel », déclare Ward Anseeuw, chercheur au Cirad au sein de l’ILC, coordinateur de ce rapport et de l’initiative Land Inequality.

 

Historiquement, les méthodes de mesure des inégalités foncières excluaient des informations essentielles telles que :

– La valeur des terres.

– La propriété multiple.

– La privation de terres.

– Le contrôle qu’une personne ou une entité exerce sur elles.

 

 

« Nos résultats modifient radicalement la compréhension de l’étendue et des conséquences profondes de l’inégalité foncière dans le monde, prouvant non seulement que le problème est plus important que nous le pensions, mais qu’il sape la stabilité et le développement de sociétés durables », ajoute Ward Anseeuw.

 

 

Des inégalités foncières flagrantes et en hausse

Selon le rapport, les 10 % les plus riches de la population rurale contrôlent 60 % de la valeur des terres agricoles, tandis que les 50 % les plus pauvres de la population rurale se partagent en tout et pour tout 3 % de la valeur des terres.

 

L’étude révèle par ailleurs que l’inégalité des terres menace directement les moyens de subsistance de 2,5 milliards de personnes travaillant dans les petites exploitations agricoles, ainsi que de 1,4 milliard de personnes parmi les plus pauvres du monde, dont la plupart dépendent largement de l’agriculture pour leur subsistance.

 

Et la tendance est à la hausse. Les experts mondiaux en matière d’inégalités attribuent l’accroissement des inégalités foncières en partie à l’intérêt accru des entreprises et des acteurs financiers, tels que les fonds d’investissement, pour les investissements dans les terres agricoles. À mesure que les investissements des entreprises et des fonds d’investissement se développent, la propriété et le contrôle des terres deviennent plus concentrés et de plus en plus opaques.

 

Aujourd’hui, 1 % des exploitations agricoles concentrent 70 % des terres agricoles du monde. Plus de 80 % des exploitations agricoles sont des petites exploitations de moins de deux hectares, généralement exclues des chaînes alimentaires mondiales. Ce phénomène a même atteint l’Europe, où moins de 3 % des exploitations agricoles représentent désormais plus de la moitié des terres cultivées dans l’Union Européenne.

 

Selon le rapport, si la tendance actuelle se poursuit, l’inégalité croissante des terres aura des conséquences négatives importantes sur le développement économique et social de tous les pays, mais également sur l’environnement, la démocratie et la paix. Les auteurs insistent cependant sur le fait que la concentration des terres entre les mains de quelques élites n’est pas inévitable, et qu’une voie plus inclusive existe.

 

Cette voie nécessite néanmoins une profonde transformation des relations de pouvoir et des normes politiques, économiques, sociales et légales. Le rapport encourage, pour ne citer que quelques pistes, la démocratisation de la gouvernance des terres, un renforcement de la régulation de la propriété foncière, la transparence des transferts de propriété, la reconnaissance des droits des minorités, et enfin la construction d’un modèle de production agricole équitable et durable.

 

 

La France, premier pays à tenter d’empêcher la concentration foncière par l’actionnariat

En France, depuis quelques années, de plus en plus d’entreprises de travaux agricoles se substituent aux producteurs avec lesquelles elles travaillent. Ceux-ci se limitent à mettre à leur disposition les terres de leurs exploitations, permettant ainsi à ces entreprises de travailler parfois des milliers d’hectares sans être déclarées comme exploitant agricole. Ce phénomène prend de l’ampleur, avec une concentration du foncier en France aux mains de quelques entreprises.

 

En février 2017, l’article 3 d’une proposition de loi intitulée « loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle » a tenté de mettre fin à ces inégalités croissantes. Le Conseil constitutionnel a néanmoins jugé qu’il s’agissait d’« une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ». L’article 3 de la nouvelle loi a ainsi été déclaré contraire à la Constitution, et rejeté.

 

Cet article 3 aurait pourtant rendu impossible l’achat de parts d’exploitations agricoles à grande échelle tout en maintenant une présence active dans les organes de gestions des sociétés gérantes. Il aurait ainsi empêché, en France, la concentration de terres agricoles aux mains d’une minorité d’actionnaires.

 


 

« La terre peut être l’un des principaux moteurs de la prospérité partagée, mais aussi l’un des principaux vecteurs d’inégalité. »

 

Guereña et Wegerif, 2019

 


 

Source :

https://www.landcoalition.org/fr/

https://www.landcoalition.org/fr/uneven-ground/report-and-papers/

https://siecledigital.fr/2020/11/27/70-des-terres-agricoles-les-planetes-appartiennent-a-1-des-exploitations-agricoles/

https://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/communiques-de-presse/2020/inegalite-d-acces-aux-terres-agricoles

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/agriculture/une-concentration-des-terres-agricoles-toujours-plus-importante_149716

 

Article :

Cirad / Siècle Digital

 

Note : 

La Land Inequality Initiative est un projet lancé par l’International Land Coalition il y a trois ans, visant à mesurer et qualifier les inégalités foncières dans le monde.

 

L’ International Land Coalition est un réseau mondial de plus de 250 organisations, qui travaillent ensemble pour placer les personnes les plus vulnérables au centre de la gouvernance foncière. L’ILC remet au cœur des problématiques d’accès à la terre les besoins des acteurs, mais aussi les droits des femmes, des hommes et des communautés qui vivent sur et grâce à la terre.

 

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