Il faudrait 21 jours pour se défaire d’une mauvaise habitude. Qu’en est-il vraiment ?

 

Selon une croyance populaire, il serait possible de s’en défaire en 21 jours. Cette durée fixe provient d’un ouvrage paru il y a plus d’un demi-siècle ! Récemment, une étude britannique a estimé que cette durée serait en réalité bien plus variable.

 

Se ronger les ongles, être constamment sur son téléphone, ne pas faire régulièrement du sport, fumer… nous avons toutes et tous des dizaines de mauvaises habitudes qui, sur le long terme, peuvent s’avérer néfastes pour notre santé. Loin d’être une fatalité, l’on peut toujours perdre un réflexe pour en adopter un nouveau, mais cela risque de prendre quelque temps. Combien exactement ? Les scientifiques ont leur petite idée.

 

 

 

 

Prendre de bonnes résolutions et se débarrasser de ses mauvaises habitudes… Classique, en début d’année. Mais peut-on croire à la promesse de « changer en 21 jours » qui fait le succès des livres de développement personnel ?

 

 

Réponse de Thomas Boraud, directeur de recherches en neurosciences

« Arrêter de fumer, cesser de se ronger ses ongles, se lever plus tôt, faire du sport, passer moins de temps sur son téléphone… La nouvelle année amène son lot de bonnes résolutions. Une aubaine pour l’industrie florissante du bien-être et du développement personnel, qui a popularisé le principe selon lequel il ne faudrait que 21 jours pour changer et « reprogrammer » son cerveau. »

 

 

Peut-on vraiment y croire ? 

Thomas Boraud, directeur de recherche en neurosciences au CNRS et à la tête de l’Institut des maladies neurodégénératives à Bordeaux, démonte cette idée populaire, qui n’a aucun fondement scientifique.

 


 

Interview

 

Thomas Boraud, Neurobiologiste

 

 

Une mauvaise habitude, c’est quoi exactement ?

Une habitude, c’est une action qui n’existait pas avant et qui devient récurrente. Une mauvaise habitude se crée exactement de la même façon qu’une bonne. Il n’y a pas de différence intrinsèque entre les deux. Cela implique tout un réseau du cerveau qui fait interagir les aires corticales frontales et les structures sous-corticales qu’on appelle les ganglions de la base.

 

 

Comment se créent ces comportements ?

Une habitude, c’est un automatisme qu’on apprend. Elle se différencie des réflexes, qui sont innés. Contrairement à ce qu’on pense, cette capacité à apprendre des automatismes est venue assez récemment dans l’évolution de l’homme, avec les vertébrés. L’apprentissage des habitudes est lié au développement du cortex et donc des mammifères.

 

 

Pourquoi se débarrasser des mauvaises habitudes est difficile ?

Plus les habitudes sont anciennes, plus on a du mal à s’en débarrasser. Tous les apprentissages activent un système de récompense dans notre cerveau, avec la libération de dopamine quand on réussit. De la même façon, quand on rate, un système de punition s’active. Une fois que le comportement est acquis, qu’il devient une habitude, notre cerveau n’a plus besoin de sa carotte endogène qui permet d’avancer. Il devient alors compliqué de se débarrasser de cette habitude qui est déconnectée de ce système de récompense.

 

 

21 jours pour trouver l’amour, pour changer de vie ou encore pour perdre du poids : d’où vient cette promesse des trois semaines qu’on trouve partout dans les ouvrages de développement personnel ?

Cette théorie des 21 jours vient d’un chirurgien du milieu du siècle dernier qui travaillait sur les membres « fantômes ». Il s’est rendu compte que chez la plupart de ses patients amputés, la sensation du membre fantôme disparaissait au bout de 21 jours. On a alors extrapolé ces résultats purement sensoriels aux comportements appris. Beaucoup en ont fait une règle, alors qu’elle ne repose sur rien !

 

Pour se débarrasser des apprentissages, c’est probablement beaucoup plus long et cela dépend de beaucoup d’autres facteurs, indépendants de la valeur intrinsèque de la mauvaise habitude. Il est par exemple très difficile de tirer un trait sur la cigarette, car la nicotine interagit avec le système de récompense qui se met en marche dans notre cerveau.

 

 

Peut-on établir une durée moyenne, pour réussir à se débarrasser d’une mauvaise habitude ?

Non. C’est un vœu pieux…

 

 

Quels sont les facteurs qui peuvent miner notre volonté de changer ?

L’ancienneté de l’habitude rend plus difficile son arrêt. Et plus on est âgé, plus il est compliqué de se débarrasser de certains comportements. La personnalité de l’individu aussi joue un rôle. Nous ne sommes pas égaux, certains sont plus sensibles que d’autres au changement. Enfin, la nature « récompensante » que procure l’habitude a un impact. Il sera beaucoup plus évident d’arrêter de se ronger les ongles que d’arrêter de fumer la cigarette.

 

 

Avez-vous des astuces pour « reprogrammer » son cerveau et adopter un mode de vie plus sain ?

Je ne suis pas un spécialiste en développement personnel donc je n’ai pas véritablement de recette absolue, évidente et certaine. Mais on sait que s’engager dans l’apprentissage d’une nouvelle habitude, pour remplacer la mauvaise, va déclencher le système de récompense dans le cerveau, et cela peut faciliter les choses. Une recette qu’il faut évidemment relativiser selon les habitudes qu’on veut abandonner.

 

Pour une personne dépendante à l’héroïne, se mettre au thé ne va pas forcément l’aider… Pour la cigarette, on sait que plus on essaye d’arrêter, plus on a de chances de succès. Davantage de fumeurs réussissent leur sevrage à la huitième tentative qu’à la première.

 

 

Pourquoi est-ce si difficile de rompre avec une habitude ?

L’habitude a un effet rassurant. Il a été démontré que le stress est un facteur de résistance au changement. En voulant mettre un terme à une habitude, on augmente l’anxiété. Alors si on vit déjà une période de stress, les chances de succès seront plus faibles.

 

 

Est-il préférable de lutter contre les mauvaises habitudes dès le plus jeune âge ?

Tout dépend de la définition de la « mauvaise » habitude. Certaines sont considérées comme telles pour des raisons sociales. Tant qu’une habitude n’est pas une menace pour la santé ou le bien-être, comme le sont la cigarette ou l’alcool par exemple, pourquoi arrêter ? Cela dépend de là où on place le curseur. Pour moi, mettre fin à une habitude pour une raison sociale n’est pas une bonne raison d’arrêter.

 


 

Source :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Boraud

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ejsp.674

https://sciencepost.fr/quel-est-le-temps-necessaire-pour-perdre-une-mauvaise-habitude/

http://www.slate.fr/story/198802/voila-le-temps-necessaire-pour-perdre-une-mauvaise-habitude

https://www.sciencealert.com/here-s-how-long-you-actually-need-to-break-a-habit-according-to-science

https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/123049/reader/reader.html#!preferred/1/package/123049/pub/190142/page/18

 

Article :

Sarah Caillaud / Ouest-France

 

Photo :

Pour illustration

13 commentaires

  1. Si cela pouvait se concrétiser comme ce serait bien et comme la vie serait facilitée !
    Certaines habitudes remontent à l’enfance ou sont dues à un traumatisme qui est resté dans notre inconscient. Depuis plus de 30 ans je me ronge les ongles et j’ai tout essayé pour arrêter.
    Le plus longtemps que j’ai tenu a été moins de deux semaines. Je sais que cela est dû au fait que je suis un anxieux qui maitrise celle-ci par le yoga et la maitrise de soi.
    Cependant les causes profonde de cette habitude sont inconnues et je fais avec. J’attends donc avec impatience le remède miracle qui m’enlèvera cette habitude .

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