« Mais quelle démocratie fait ça ? » : des soignants manifestent contre l’obligation vaccinale

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Soignants et pompiers se sont mobilisés devant le ministère de la Santé à Paris pour protester contre l’obligation vaccinale. Dès le 15 septembre, ils devront prouver qu’ils ont reçu au moins une dose du vaccin contre le Covid-19, sous peine d’être suspendus sans salaire

 


 

À compter de ce 15 septembre, tous les salariés des hôpitaux et des Ehpad pourront être suspendus, sans rémunération, s’ils n’ont pas reçu au moins une dose de vaccin. Faut-il redouter une rupture de soins, faute de personnel suffisant ? Certains le redoutent.

 

Des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues de nombreuses villes de France pour dénoncer le Pass sanitaire, à quelques jours de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale pour les professions de santé.

 

À Paris, devant le ministère de la Santé, plusieurs centaines de soignants et pompiers se sont rassemblées pour dénoncer cette mesure qui rentrera en vigueur le 15 septembre. Passée cette date, les salariés des hôpitaux et Ehpad devront prouver qu’ils ont reçu au moins une injection, sous peine d’être suspendus sans salaire.

 

« Mais quel pays démocratique fait ça », s’indigne Maria, infirmière en intérim dans les Hautes-Alpes (05), « Non mais sincèrement, c’est juste ignoble ».

 

Comme de nombreux professionnels de santé présents, elle a jeté sa blouse blanche par terre, en guise de protestation.

 

« Moi j’ai travaillé en étant positive au Covid, asymptomatique. Je suis allée travailler tous les jours, voire même 40-45 heures par semaine, cela ne posait problème à personne, vraiment à personne », rappelle Nathalie, infirmière en hôpital, « et aujourd’hui parce que je ne fais pas cette injection, on me demande de partir ».

 


 

 

 

Va-t-on manquer d’effectifs dans les hôpitaux, Ehpad et casernes de pompiers ? Faut-il redouter une rupture de soins ? À quelques jours de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé, certains s’en inquiètent. Le 15 septembre, ceux qui n’auront pas reçu au moins une dose de vaccin pourront être suspendus, sans rémunération. 2,7 millions de personnes sont concernées. Combien de professionnels manqueront à l’appel, suspendus faute d’avoir respecté la règle ? Une minorité à en croire les chiffres de Santé Publique France : au 7 septembre, un peu plus de 88% des soignants avaient reçu au moins une dose dans les hôpitaux et les Ehpad, près de 94% parmi les libéraux. Des estimations à manier avec prudence.

 

 

Manifestations

À Marseille, Colmar, Rouen, Tours, Guéret, Bayonne ou MontpellierPartout en France, ambulanciers, aides-soignantes, infirmiers, pompiers ou kinés opposés à cette obligation vaccinale ont encore manifesté cette semaine, à l’image de Céline, soignante en Creuse, qui dénonce une mesure « extrême » et injuste :

 

« Il y a un an et demi, on nous a fait travailler sans matériel, et aujourd’hui on nous montre du doigt en disant qu’on est irresponsables, qu’on n’est pas professionnels. »

 

Un avis que partage Samira, aide-soignante dans le privé et présente dans le cortège montpelliérain samedi 11 septembre :

 

« Je suis dans le médical donc je sais que ce vaccin est utile pour les personnes en situation de comorbidités, de fragilité, mais qu’on laisse le choix aux personnes qui sont en bonne santé. C’est mon corps, je veux pouvoir avoir le choix ».

 

Et d’ajouter :

 

« Hier, on nous applaudissait, aujourd’hui, on nous met à la maison sans salaire. On nous punit ! »

 

Refusant de céder à ce qu’il qualifie de « chantage », Grégory, brancardier depuis 20 ans, se dit prêt à quitter son travail :

 

« Si on me dit le 15 que je ne peux pas travailler parce que je ne suis pas dans le processus de vaccination, je leur dirai : très bien, au revoir ! »

 

Passé par les urgences, le bloc ou encore la réanimation, Grégory prévient :

 

« Ils perdront quelqu’un avec pas mal de compétences (…) ça va être impossible de faire tourner les services sans nous ».

 

 

Manque de personnels dans les Ehpad ?

Interrogée par l’AFP, Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF) reconnait que :

 

« Les établissements eux-mêmes n’ont pas de vue exhaustive sur le statut vaccinal de leurs agents. Par conséquent, dans les lieux où ça posera problème, inévitablement ça conduira à des réorganisations pour pouvoir assurer la continuité des soins ».

 

Le secteur des personnes âgées préoccupe particulièrement la Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés solidaires (Fehap). Selon sa présidente, Marie-Sophie Desaulle, les directeurs de maison de retraite redoutant de manquer subitement de bras envisagent de « recourir à des contractuels ou des intérimaires » et, là où c’est possible, de « réduire un peu l’activité ».

 

 

« Fermeté » dans les hôpitaux

Du côté des hôpitaux, on se veut rassurant et on affiche de la fermeté. Les Hôpitaux de Paris (AP-HP) font ainsi état d' »au moins 83% » de personnels vaccinés au 8 septembre, un chiffre « très sous-estimé » selon l’institution. Même confiance affichée à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France qui estime la couverture vaccinale « proche de 90% » dans les établissements franciliens.

 

« Il n’y a pas de site où l’on voit un rejet qui amènerait à un taux très important de non vaccinés », a assuré sa présidente, Amélie Verdier, à l’AFP.

 

Cependant l’ARS Ile-de-France a commencé à « repérer les établissements où il pourrait y avoir des difficultés pour pouvoir les aider », en mobilisant si besoin des « renforts ».

 

À Marseille, 90 % du personnel est vacciné s’est félicité le directeur général de l’AP-HM, François Crémieux, sur France Bleu Provence.

 

« Ça me rend optimiste. Avec de la pédagogie, je pense qu’on va y arriver (…) On ne reculera pas », a-t-il averti.

 

« Il n’y a de réponse que la fermeté » et les sanctions prévues par la loi « devront être mises en œuvre dès le 15 septembre » estime pour sa part Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF).

 

Selon lui, dans le secteur public, « sur un million d’agents, on en trouvera quelques centaines » et « certains vont instrumentaliser des cas particuliers pour essayer de faire croire qu’il y a des bataillons entiers de soignants réfractaires ».

 

 

Des ambulanciers redoutent une « rupture des soins »

Chez les ambulanciers, plus d’une personne sur dix « ne souhaiterait pas se faire vacciner » malgré l’obligation légale, ce qui risque de provoquer « une rupture du parcours de soins », a affirmé jeudi 9 septembre l’une des fédérations de la profession à l’AFP. Selon une enquête menée fin août par la Fédération nationale de la mobilité sanitaire (FNMS), « 13% de la profession ne serait pas vaccinée et ne souhaiterait pas l’être », a précisé son président Thierry Schifano à l’agence de presse, soulignant avoir reçu des réponses de 242 entreprises employant plus de 6.900 salariés – sur un total d’environ 60.000 dans le secteur.

 

Si cette tendance se confirme, « on risque d’avoir de véritables difficultés, avec une rupture du parcours de soins des patients et une augmentation de la carence ambulancière », c’est-à-dire des refus d’interventions pour le compte du Samu, prédit Thierry Schifano. Redoutant de devoir « faire des choix douloureux » entre urgences et transports programmés, il dit avoir « tiré le signal d’alarme » auprès du ministère de la Santé.

 

« Il faut trouver des mesures pour fonctionner en mode dégradé pendant une courte période », par exemple en permettant à un ambulancier un peu moins qualifié (trois ans d’expérience au lieu d’un diplôme d’État) d’accompagner le conducteur. Une proposition restée jusqu’ici sans réponse, le président de la FNMS regrettant « qu’on attende qu’on soit dans la panade pour réagir ».

 

 

Nouveau recours des pompiers devant la CEDH

Enfin, chez les pompiers, la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS) dénombrait 80% des effectifs « rentrés dans un schéma vaccinal » au 3 septembre.

 

Mais des centaines de soldats du feu hostiles à l’obligation vaccinale ont déposé un nouveau recours la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vendredi 10 septembre. Une première requête avait été rejetée fin août. Au total, 713 pompiers professionnels et volontaires, établis dans 58 départements et notamment dans le sud de la France, sont associés à cette démarche, a indiqué dans un communiqué SUD SDIS, déjà à l’origine de la première requête.

 

Dans le cadre de cette deuxième procédure, outre les articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’Homme, déjà invoqués lors de la première procédure, les pompiers s’appuient également sur les articles 14 (interdiction de la discrimination) et 1 du premier protocole additionnel à la Convention (protection de la propriété, au sens large du terme), détaille le communiqué de SUD SDIS.

 

« La balle est désormais dans le camp de la CEDH qui devrait statuer assez rapidement sur la recevabilité de cette deuxième requête », selon le syndicat.

 

Si la réponse était positive,

 

« Une procédure s’engagerait au terme de laquelle la CEDH prendrait une décision d’ici quelques mois, que nous espérons favorable, tant la mesure paraît disproportionnée au regard du but à atteindre de protection de la santé publique », selon SUD SDIS.

 

« La privation totale de rémunération », prévue par la loi, « est une mesure d’une extrême gravité », insiste le syndicat, qui relève qu’en Europe, « la vaccination obligatoire n’est pas la règle » et que « l’Union européenne préconise une incitation à la vaccination ».

 

 

La CGT s’inquiète d’une possible « catastrophe sanitaire », FO-Santé demande « un délai supplémentaire »

La situation préoccupe les syndicats et notamment la CGT, qui appelle à manifester mardi contre l’obligation vaccinale et les sanctions qui s’appliqueront dès mercredi. Son secrétaire général, Philippe Martinez, a mis en garde contre une possible « catastrophe sanitaire » dans les hôpitaux, si « 5 ou 10% du personnel s’en va ».

 

FO-Santé a pour sa part réclamé au gouvernement « un délai supplémentaire » afin de désamorcer « des situations ingérables » dans certains hôpitaux, où « des fermetures de services et de lits sont envisagées » en raison du nombre insuffisant d’agents vaccinés.

 

Même le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a demandé jeudi « d’éviter au maximum que des gens soient sanctionnés », estimant que « l’apaisement ne ferait pas de mal ».

 

 

« Nous ne reculerons pas », prévient l’exécutif

Le gouvernement affiche sa détermination. « Le refus de se vacciner ne donnera lieu à aucun arrêt maladie », a d’ores et déjà averti le ministre de la Santé, Olivier Véran, promettant « des contrôles systématiques » pour « toute prescription jugée suspecte ».

 

« Nous ne reculerons pas », a aussi prévenu le Premier ministre, Jean Castex, fin août.

 

« On ne peut pas dire tout l’été aux personnels qu’ils risquent d’être suspendus et ne pas le faire », a défendu Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, fédération des Ehpad privés, auprès de l’AFP.

 

La ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, dit toutefois vouloir « continuer jusqu’au dernier moment à convaincre » dans son secteur, où elle « ne (se) résigne pas au fait que 5, 8 ou 10% des professionnels resteraient encore non vaccinés au 15 septembre ».

 


 

Source :

https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/obligation-vaccinale-contre-le-covid-19-les-hopitaux-partages-entre-fermete-et-inquietude-1631376656

https://www.leparisien.fr/video/video-mais-quelle-democratie-fait-ca-a-paris-des-soignants-manifestent-contre-lobligation-vaccinale-11-09-2021-CLBF4F5SCJB23IKDNBCOL4S5YY.php

 

Article :

Viviane Le Guen / France Bleu

Le Parisien avec AFP

 

Vidéo :

[1] «Mais quelle démocratie fait ça ?» : des soignants manifestent contre l’obligation vaccinale – Le Parisien / YouTube

 

Photo :

Pour illustration

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