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Le Salvador face au crash-test du Bitcoin.
Payer son pain, ses légumes ou ses impôts en Bitcoins est désormais possible au Salvador. Le 7 septembre, la plus célèbre des cryptomonnaies y est devenue monnaie légale, à côté du Dollar – une première mondiale. Pour l’utiliser, les Salvadoriens doivent télécharger une application sur leur smartphone. Outre les bugs techniques le jour du lancement, le cours du Bitcoin a plongé, perdant 17 % de sa valeur. Depuis, il s’échange autour des 39 000 dollars. Une instabilité dénoncée par les grandes institutions financières.
Début septembre, le petit pays d’Amérique centrale est devenu le premier au monde à adopter officiellement le Bitcoin comme monnaie légale. Sans faire l’unanimité, ni parmi les experts, ni parmi ses habitants.
Depuis quelques jours, les hôtels les plus chers de la capitale du Salvador, ainsi que les boutiques hôtels pour surfeurs de sa côte Pacifique, sont remplis de jeunes qui parlent avec un accent américain. Ils sont venus voir de près l’arrivée du Bitcoin. Avec leur T-shirt estampillé d’un « B » majuscule orange sur la poitrine, on dirait les membres d’une secte.
Ce « B » géant est parfois suivi d’un mot, « Bitcoin » chez certains, « Bukele » chez d’autres : ceux qui ont choisi la seconde option, celle du nom du président salvadorien, savent que le succès de la cryptomonnaie dépend en grande partie de ce qui se passera dans ce petit pays d’Amérique centrale.
Pour de nombreux experts, Nayib Bukele joue au Monopoly avec les finances publiques. Mais pour les fans de cryptomonnaie, celui que l’on surnomme « président millenial » (il a 40 ans) est devenu un exemple de courage et d’audace depuis que Jack Mallers, le fondateur de « Strike », une plateforme permettant d’acheter et de vendre des bitcoins, lui a donné sa bénédiction.
Le 6 juin, Mallers, 27 ans, s’est présenté à la Bitcoin Conference 2021, à Miami, en sweat-shirt de rappeur, casquette et baskets, et a pleuré devant des centaines de personnes en expliquant toutes les belles choses que les cryptomonnaies peuvent faire pour les enfants pauvres.
Une loi de trois pages
Le point culminant du gala a été la diffusion d’une vidéo préenregistrée, où Nayib Bukele annonçait l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale au Salvador. À ces mots, le public est littéralement entré en transe, bondissant sur ses pieds et applaudissant et hurlant comme s’il venait de voir un batteur envoyer la balle hors du stade pendant un match de baseball. Quelques jours plus tard, une loi de trois pages était adoptée au Salvador, donnant un cap économique radicalement différent à l’un des pays les plus pauvres du continent.
Trois mois plus tard et 5 000 kilomètres plus loin, Jorge Ovidio Ramírez, 55 ans, vend du lait de chèvre tout frais tiré dans le centre de San Salvador. L’objet le plus moderne à côté de lui est un parasol. Le bitcoin, « Ce n’est pas pour nous, les pauvres », déclare-t-il. « Personne ne distribue de l’argent juste comme ça. »
À quelques pas de lui, dans la rue Arce, Yesenia Ríos vend des chaussures. Elle confie :
« Je ne sais même pas comment utiliser le téléphone. Mon fils essaie de m’apprendre. Je croyais que cette monnaie fonctionnait déjà dans d’autres pays mais je viens de découvrir que nous sommes les premiers à l’utiliser. Je ne sais pas sur quoi cet homme [Bukele] s’est basé pour faire ça. »
Le président salvadorien a annoncé la construction de « Bitcoin City », une nouvelle ville financée par la dette en cryptomonnaie. L’occasion de revenir sur les raisons qui poussent le Salvador, ce petit pays d’Amérique centrale, à parier sur le Bitcoin.
Au Salvador, l’exécutif est bien décidé à lancer sa crypto-révolution. Et une nouvelle étape a encore été franchie : le président Nayib Bukele veut bâtir « Bitcoin City », une nouvelle ville alimentée par l’énergie d’un volcan et financée par de la dette en cryptomonnaie. A l’intérieur de cette cité du futur : « des quartiers résidentiels, des commerçants, des services, des musées, des lieux de loisirs… des aéroports, des ports, des trains », a dévoilé le chef de l’État pro-tech, samedi lors d’une conférence sur le Bitcoin en Amérique latine. Depuis le 7 septembre, le petit pays est devenu le premier à autoriser le Bitcoin comme monnaie légale au même titre que le Dollar américain.
« Concrètement, si vous êtes commerçant, vous devez accepter le Dollar et le Bitcoin comme moyens de paiement », souligne Claire Balva, directrice blockchains et cryptos chez KPMG France.
Pour la première fois, le Bitcoin sera expérimenté à large échelle dans un pays. Monnaie virtuelle créée en 2009, le Bitcoin est mis en circulation via le minage. « C’est un peu comme si on allait chercher de l’or au fond d’une mine, sauf que l’on part à la recherche d’algorithme », compare Gregory Vanel, professeur à Grenoble Ecole de Management et spécialiste des systèmes monétaires. Au Salvador, le Bitcoin a désormais cours légal et le pays prévoit aussi d’installer 1 500 machines donnant la possibilité d’échanger des dollars contre des bitcoins. Pour justifier ce chantier économique, le gouvernement donne à la population l’argument suivant : cela facilitera les transferts d’argent des Salvadoriens qui vivent aux Etats-Unis.
Une manne d’argent importante puisqu’elle représente 21 % du PIB du pays. L’exécutif salvadorien promet qu’il sera moins cher de rapatrier des Bitcoins que des Dollars. « L’argument est faux. Le Salvador bénéficie de frais liés aux transactions de change qui sont les plus faibles au monde », balaie Gregory Vanel.
S’émanciper des Etats-Unis
Derrière le discours politique de façade, le Salvador pourrait chercher à s’émanciper du Dollar américain. Depuis 2001, le colon salvadorien – ancienne monnaie officielle – a été remplacé par le Dollar américain. Par conséquent, le Salvador ne contrôle plus sa politique monétaire – n’ayant pas de banque centrale qui émet des Dollars américains.
« Avoir le Dollar comme seule monnaie nationale est très risqué. L’idée du Salvador, c’est d’avoir un plan B et de limiter sa dépendance envers les États-Unis », analyse Claire Balva.
A cela, s’ajoute le fait que le président salvadorien, âgé de 40 ans, veut afficher une image moderne et pro tech. Mais la construction d’un crypto-paradis en Amérique latine pourrait masquer un accord moins reluisant.
« Le Bitcoin est un moyen de paiement qui permet à ceux qui l’utilisent d’avoir une confiance absolue sur l’origine de la transaction tout en étant opaque », avance Gregory Vanel.
Aucune banque centrale ne peut mettre son nez dans ces transactions, le Bitcoin est donc massivement utilisé par les réseaux mafieux. « Il est possible qu’il y ait un accord entre le gouvernement et les gangs salvadoriens », reprend l’économiste. Les grandes lignes de cette entente : en échange de certaines libertés d’action de la part du gouvernement envers ses groupes, la criminalité baissera. A noter qu’au Salvador, on comptabilise une moyenne de 20 décès pour 100 000 habitants – son meilleur chiffre depuis la fin de la guerre civile en 1992. « Le président pourrait acheter la paix civile », considère Gregory Vanel. Un argument qui n’est pas évoqué officiellement par le sommet de l’État qui cherche davantage à convaincre la population. Pour faciliter le lancement, le gouvernement distribue 30 dollars en Bitcoin à tous les habitants, accessibles directement sur l’application Chivo qui fait office de portefeuille numérique.
D’autres pays d’Amérique centrale tentés par l’expérience
Alors que 68 % de la population salvadorienne vit dans l’économie informelle, « 70 % de la population n’est pas bancarisée et 46 % des Salvadoriens n’ont pas de smartphone », complète Gregory Vanel, qui estime que les Salvadoriens ne veulent pas du Bitcoin. Difficile pour le spécialiste de comprendre pourquoi le pays a choisi de faire du bitcoin sa priorité :
« On pourrait plutôt utiliser l’énergie du volcan pour électrifier le pays. Dans le même temps, la volatilité du Bitcoin est gigantesque, ce qui représente aussi un risque pour la population », reprend le spécialiste.
Cependant, Claire Balva n’est pas aussi catégorique, estimant qu’il faut attendre quelques années avant de conclure à d’éventuels bénéfices. En attendant, la spécialiste confie que le Bitcoin pourrait donner accès à un plus grand nombre de personnes à des services financiers.
« Quand on regarde les chiffres sur l’ouverture de nombre de portefeuilles Bitcoin, on remarque qu’il y a plus de gens qui ont ouvert le portefeuille Bitcoin que de gens bancarisés », fait-elle remarquer.
En Amérique centrale, la politique du Bitcoin mise en avant par l’exécutif salvadorien pourrait inspirer d’autres pays. Au Paraguay par exemple, des politiciens essaient de faire passer des amendements pour faire avancer la législation sur les cryptomonnaies. De son côté, le Venezuela a lancé sa propre cryptomonnaie indexée sur le cours du pétrole, tandis que Cuba regarde avec intérêt la situation au Salvador.
« L’Amérique centrale a longtemps été la zone d’influence majeure des Etats-Unis. Ce qui est paradoxal, c’est de voir que la révolution dans ces pays passe par la tech alors qu’il y a très peu d’accès aux technologies », conclut Gregory Vanel.
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Le Bitcoin est enfin reconnu comme monnaie légale, au moins quelque part. Si pour certain ce n’est qu’un fait, le message que cela envoi et bien plus profond. Je vous parle dans cette vidéo de ce que cela change et de l’intérêt qu’a cette décision pour le Salvador.
Hasheur
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Le Salvador court-circuite le système financier avec Bitcoin !
Le 20 novembre 2021, le président du Salvador, Nayib Bukele a annoncé que son pays allait révolutionner le financement des États en matière d’émissions obligataires en devenant le tout premier pays à émettre de la dette en utilisant Bitcoin et son réseau !
C’est un véritable séisme dans le secteur de la finance. En effet, le marché obligataire des États alimente les rentes faciles d’un petit nombre de grandes banques très proches des gouvernements les plus puissants de ce monde.
Si vous vous demandez en quoi Bitcoin peut être révolutionnaire, alors regardez cette vidéo jusqu’à la fin… Vous allez très vite comprendre pourquoi les Goldman Sachs, JP Morgan et autres mastodontes de la finance ne vont pas du tout apprécier la blague !
Grand Angle Crypto
Source :
https://www.geo.fr/geopolitique/pourquoi-le-salvador-a-t-il-decide-de-legaliser-le-bitcoin-207529
Article :
Jacobo García / Courrier International / El País
Audrey Parmentier / GEO
Vidéo :
[1] Cryptomonnaies : le Salvador face au crash-test du bitcoin • FRANCE 24 / YouTube
[2] Le BITCOIN reconnu comme MONNAIE légale | El Salvador – Hasheur / YouTube
[3] Le Salvador court-circuite le système financier avec Bitcoin! – Grand Angle Crypto / YouTube
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