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Synopsis vidéo :
Le 6 août 1945, Tsutomu Yamaguchi travaille à Hiroshima quand la première bombe atomique explose au-dessus de la ville.
Blessé, l’homme rentre chez lui… à Nagasaki.
3 jours plus tard, la seconde bombe nucléaire réduit la ville en poussière.
Survivant miraculé des deux bombes atomiques, Tsutomu Yamaguchi a gardé le silence pendant plus d’un demi-siècle avant de raconter son histoire et de devenir un fervent militant contre l’arme atomique.
Pour aller plus loin (texte de Patrick Godfard [1]) :
La question demeure quant à l’utilisation de la bombe atomique. Camus, dans un éditorial dans Combat, au lendemain de Hiroshima, écrivit : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. » Contrairement au discours de Truman du 6 août évoquant une « base militaire », la bombe fut larguée avant tout sur des civils. Le chercheur Leó Szilárd du projet Manhattan avait pourtant fait son possible pour convaincre les autorités de ne pas larguer la bombe sur un site peuplé. Les autorités américaines justifièrent l’usage de l’arme atomique en avançant le chiffre de « 250 000 » puis finalement d’un « million de vies américaines » sauvées s’il avait fallu conquérir le Japon île par île.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer le largage de bombes atomiques sur deux villes japonaises. Tout d’abord, la volonté d’expérimenter la bombe sur une ville et de voir ses effets sur le bâti et sur la population. C’est une thèse défendue dans le documentaire de Kenichi Watanabe, « La face cachée de Hiroshima ». On notera que la ville de Hiroshima ne fut jamais bombardée avant la date fatidique du 6 août et, qu’après la capitulation, les Américains envoyèrent des équipes sur place pour faire des relevés et des études sur les irradiés.
Une autre hypothèse a été mise en avant par l’historien Tsuyoshi Hasegawa. Elle n’est pas exclusive de la première. Le but aurait été de faire plier le Japon le plus rapidement possible pour empêcher l’URSS de devenir trop influente en Extrême-Orient. En effet, à la conférence de Yalta de février 1945, Roosevelt avait demandé à Staline d’intervenir contre l’Empire nippon trois mois après la fin de la guerre en Europe. L’URSS débuta son offensive le 9 août et avança largement, prenant le contrôle de la Mandchourie et du nord de la Corée. On sait aujourd’hui que l’une des raisons qui poussèrent l’empereur Hiro-Hito à capituler était la peur d’une occupation soviétique d’une partie du Japon, peur tout à fait justifiée (Staline envisageait d’occuper la grande île de Hokkaido). On peut donc considérer ces événements comme s’inscrivant dans le contexte des prémices de la guerre froide.
Ce Japonais a survécu au bombardement d’Hiroshima le 6 août 1945, puis à celui de Nagasaki trois jours plus tard. Il a passé la fin de ses jours à lutter contre les armes nucléaires, avant de succomber d’un cancer en 2010.
Il est le seul homme reconnu survivant des deux attaques nucléaires au Japon. Tsutomu Yamaguchi était au mauvais endroit, au mauvais moment, à deux reprises. Ce Japonais avait 29 ans le 6 août 1945, alors ingénieur dans les chantiers navals pour Mitsubishi, une entreprise qui développe des pétroliers, est à Hiroshima depuis quelques mois déjà pour affaires. Le 6 août 1945, il doit rentrer chez lui. Mais sur le chemin de la gare, le bombardier américain Enola Gay lâche la première bombe nucléaire de l’Histoire sur une population civile.
Au mauvais endroit, au mauvais moment
A trois kilomètres de l’épicentre, Tsutomu racontera plus tard qu’il a vu l’engin tomber. Mais pour l’heure, l’homme est sonné, a perdu connaissance, a les oreilles sourdes et les yeux aveugles, les bras et une partie du visage brûlés au troisième degré. Une scène apocalyptique se joue autour de lui. Mais à la différence de plusieurs dizaines de milliers de victimes, Tsutomu ne rend pas son dernier souffle. Il passe la nuit dans un abri de fortune avec d’autres rescapés. Le lendemain, il rentre chez lui… à Nagasaki.
Ce 9 août 1945, à peine remis de ses blessures, Tsutomu Yamaguchi reprend le travail. Il est en train de raconter le drame dont il a été témoin et victime trois jours plus tôt à ses collègues, lorsque la deuxième bombe nucléaire américaine vient frapper le Japon. Là encore, Tsutomu se trouve à trois kilomètres du point zéro. « J’ai cru que le nuage en forme de champignon m’avait suivi jusqu’ici », a-t-il raconté plus tard. Après cette seconde attaque nucléaire américaine, qui décime plusieurs dizaines de milliers de personnes, Tsutomu survit encore mais non sans douleur.
« Hibakusha », le survivant
Être rescapé d’une double attaque nucléaire n’est pas sans conséquence. Toute sa vie, le survivant va souffrir de blessures physiques et psychologiques. Tsutomu Yamaguchi est reconnu « hibakusha » : survivant de l’attaque atomique. Un statut qui donne accès à des prestations sociales et un suivi médical.
Sa femme et son premier fils meurent de cancers généralisés, sans doute liés aux radiations nucléaires, sans toutefois pouvoir le vérifier avec exactitude. En 2005, la mort de son deuxième fils des mêmes causes le révolte, convaincu que les radiations en sont la cause. Tsutomu sort alors du silence dans lequel il s’est muré depuis plus d’un demi-siècle.
L’homme de combat
Tsutomu Yamaguchi part en croisade contre le nucléaire, à 89 ans. Il écrit un livre « Nagasaki-Hiroshima : deux fois atomisé », et se rend dans les lycées pour transmettre la mémoire de cette horreur aux jeunes générations. A la tribune de l’ONU en 2006, il appelle à l’abolition des armes nucléaires. Il fait l’objet d’un film de James Cameron qu’il rencontra. « Ma mission est terminée », avait-il alors déclaré à l’issue de l’entretien.
64 ans après Hiroshima, Tsutomu Yamaguchi est officiellement reconnu comme la seule personne ayant survécu aux deux attaques nucléaires d’août 1945.
L’homme chanceux et militant s’est éteint le 4 janvier 2010 à 93 ans, d’un cancer de l’estomac.
Le nucléaire aura fini par avoir raison de lui.
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Tsutomu Yamaguchi a l’art d’être au mauvais endroit au mauvais moment. A 29 ans, il est probablement l’homme le plus malchanceux de l’histoire.
« L’expérience de la guerre nous a légué un héritage d’inquiétudes. (…) Nulle part ce sentiment de responsabilité n’est plus aigu (…) que chez ceux qui ont participé au développement de l’énergie atomique à des fins militaires. (…) La physique qui a joué un rôle décisif dans le développement de la bombe atomique, est directement issue de nos laboratoires et de nos revues. (…) Dans une certaine mesure que nulle vulgarité, nul humour, nulle exagération ne sauraient effacer, les physiciens ont connu le péché et c’est une expérience qu’ils ne peuvent oublier. »
Robert Oppenheimer (Projet Manhattan) à un journaliste du Time en 1948 (cité par Rival, 2002, p. 240) [2]
Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tsutomu_Yamaguchi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardements_atomiques_d%27Hiroshima_et_de_Nagasaki
Article :
Par Mathilde Belin / Le Figaro
Publié le : 27/05/2016
Référence :
[1] Patrick Godfard, agrégé d’histoire, a enseigné dans le secondaire et le supérieur aux Etats-Unis, en Russie et au Japon et est le traducteur ou l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, notamment de préparation à Sciences Po et aux IEP.
[2] https://fr.wikiquote.org/wiki/Robert_Oppenheimer
Vidéo :
[1] L’homme qui a survécu aux 2 bombes atomiques (Hiroshima & Nagasaki) – HDG #22 – Mamytwink / YouTube
[2] Yamaguchi, survivant d’Hiroshima et Nagasaki – The Lost Ones | ARTE / YouTube
Photo :
Pour illustration
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