Hôpital public : les conditions s’aggravent. Le cri d’alarme des soignants

Publié par

Time : 3 mn 09 / [1/2]

 

« En fermant plus de lits, en supprimant autant d’emplois, on sera obligés de sélectionner les malades. Il y aura des morts. »

 

Les soignants ont manifesté ce mardi 7 juin pour crier leur colère. Rémy Buisine a rencontré Nathalie. Et son quotidien, c’est ça !

 


 

 

 

Synopsis vidéo 1 :

« On sera obligés de sélectionner les malades. Aux urgences, il y a des patients qui restent sur les brancards pendant 10 ou 12 heures. »

 

Ce mardi 7 juin, les soignants organisaient une manifestation pour demander de meilleures conditions dans les hôpitaux publics.

 

« Aujourd’hui, l’hôpital, c’est un travail de 12 à 14 heures par jour », explique Nathalie Marchand, cadre hospitalier.

 

Depuis l’épidémie du Covid, les hôpitaux publics sont en manque de personnel.

 

« En fermant plus de lits, en supprimant autant d’emplois, on sera obligés de sélectionner les malades. On sait qu’on va en laisser sur la touche, qu’il y aura des morts. »

 

A l’occasion de cette manifestation, les soignants demandent la réouverture de lits d’hôpitaux ainsi que le retour des soignants suspendus pour ne pas avoir fait le vaccin contre le coronavirus.

 

« La colère est d’autant plus grandissante que suite à la période Covid, où on a subi la fermeture de 17 000 lits, il y a une continuité. Les lits et services continuent d’être fermés, particulièrement les urgences et la maternité », regrette Nathalie Marchand.

 

« Il faut réintégrer ces jeunes partis pendant la période Covid. Il faut rendre attractif l’hôpital, en augmentant les salaires, en donnant accès à la formation, en embauchant. »

 


 

Manifestations pour l’hôpital

 

 

« Les conditions s’aggravent », les soignants « tous en burn-out »

 

 

 

Les soignants et personnels médicaux de l’hôpital public ont manifesté ce mardi dans une cinquantaine de villes en France, dont Paris, Bordeaux, Avignon ou encore Toulouse. Ils se disent tous à bout.

 

« On a tous demandé une consultation avec la psychologue », « les conditions de travail s’aggravent », « les soignants fuient l’hôpital ». Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière une « mission flash » pour préparer l’arrivée de l’été dans les services d’urgences, les soignants et personnels médicaux de l’hôpital public se sont rassemblés pour manifester ce mardi dans une cinquantaine de villes en France.

 

 

La « mission flash » : de la « poudre aux yeux »

Si la première mobilisation du second quinquennat d’Emmanuel Macron, lancée par neuf syndicats et collectifs hospitaliers, a finalement peu mobilisé, c’est peut-être que la fatigue et la désillusion l’ont emporté sur la colère. Cette mission, c’est « de la poudre aux yeux » s’agace Daniel Maïquez, secrétaire adjoint de la CGT à l’hôpital de Perpignan, sur France Bleu Roussillon.

 

« Encore un audit ? Ça va coûter combien ? Quand on sait le nombre de personnels qui nous manque à l’hôpital, on ne pourra pas donner cet argent pour financer du personnel supplémentaire ? »

 

« Je pense que c’est une bonne blague : les problèmes sont dits et redits depuis des années », dénonce également Sara Fernandez, déléguée CGT au CHU de Grenoble, invitée sur France Bleu Isère. « On perd un mois avec cette mission », estime carrément Caroline Brémaud, cheffe des urgences du Centre Hospitalier de Laval, sur France Bleu Mayenne ce mardi.

 

 

 

 

Epuisement et burn-out

« Nous faisons régulièrement 45 heures par semaine, les médecins parfois 60 à 80 heures. On revient sur nos jours de repos pour remplacer, renforcer », décrit une infirmière aux urgences de Purpan présente dans la manifestation toulousaine, qui a rassemblé environ 250 personnes selon France Bleu Occitanie.

 

Dans son service, un mouvement de grève a débuté lundi. Seules les urgences vitales ont été accueillies et 80 % des infirmiers et aides-soignants étaient en grève. Une première dans l’histoire des urgences à Toulouse.

 

« Il y a beaucoup de fatigue professionnelle », souligne Noëlle, aide-soignante au CHU de Rennes, où une centaine de personnes ont défilé du CHU à l’agence régionale de santé (ARS).

 

Ils étaient quelques dizaines devant l’hôpital de Perpignan, selon France Bleu Roussillon. « On a tous demandé une consultation avec la psychologue, qui nous a tous étiquetés en burn-out », se désespère Estelle, infirmière aux urgences depuis 20 ans. Une centaine de soignants en colère se sont également rassemblés devant le centre hospitalier d’Avignon, rapporte France Bleu Vaucluse.

 

A Bordeaux, ils étaient un peu plus nombreux : entre 300 et 500 manifestants, selon la CGT, précise France Bleu Gironde. Parmi eux, Lise, infirmière de bloc opératoire, lassée de devoir « toujours faire plus avec moins de temps et de personnel ».

 

Lors du conseil municipal qui a suivi la manifestation, le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a annoncé qu’il allait écrire à la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon.

 

La mobilisation a été bien suivie à Oloron-Sainte-Marie, en Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques. Environ 600 manifestants se sont rassemblés devant le centre hospitalier, où le service des urgences a fermé temporairement durant le mois de mai, et reste en sursis pour l’été, à cause d’un manque de médecins. A Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, le rassemblement s’est fait en centre-ville devant la préfecture, avec environ 300 participants.

 

 

« Conditions de travail déplorables »

« On est payés seulement un euro supplémentaire par heure la nuit », souligne Sara Fernandez, déléguée CGT au CHU de Grenoble, invitée sur France Bleu Isère. Même si elle sait qu’au-delà des salaires, « il y a aussi les conditions de travail ». « C’est surtout des moyens humains qu’il nous faut », insiste Corinne, aide-soignante venue des Vosges venue manifester à Paris, où entre 200 et 300 manifestants se sont retrouvés devant le ministère de la Santé en début d’après-midi.

 

Devant le CHU de Grenoble, ils étaient environ 300 ce mardi, dont Ronan, infirmier en pédopsychiatrie : « Nos conditions de travail sont déplorables et les patients en pâtissent ». « J’aime mon métier, mais c’est dur de rester motivée car on ne peut plus le faire correctement », déplore aussi Nathalie, une infirmière mobilisée à Clermont-Ferrand, où ils étaient quelques dizaines devant le CHU.

 

« Nous ne parvenons pas à assurer un suivi régulier de nos patients car nous sommes débordés ; du coup, lorsque leur état s’aggrave, ils se rendent aux urgences et sont placés dans des services qui n’ont rien à voir avec leurs pathologies, parfois en cardiologie, c’est du grand n’importe quoi ! », témoigne sur France Bleu Azur Laura, infirmière dans un service de dermatologie-oncologie au CHU de Nice.

 

« Je suis surpris de voir qu’en France, dans un pays riche comme le nôtre, comment on gère les patients et surtout nos personnes âgées », se désole Florent, soignant en gériatrie à Poitiers, sur France Bleu Poitou.

 

 

Résultat, « les soignants continuent toujours à fuir l’hôpital », déplore Patricia Schneider, représentante du syndicat Sud Santé à l’hôpital de Metz Mercy, sur France Bleu Lorraine.

 

« Dans le service dans lequel je travaille, il y a énormément de jeunes collègues qui arrivent, qui font quelques mois, un an et puis qui partent. Ils ne veulent absolument plus travailler à l’hôpital ».

 


 

Time : 5 mn 04 / [2/2]

 


 

Synopsis vidéo 2 :

Lors de cette nouvelle journée d’action de la santé, les paramédicaux et médicaux ont rappelé les conséquences concrètes du manque de moyens généralisé sur les malades.

 

« Macron et McKinsey, coupables de mise en danger des patients et des soignants. » Transformé en homme-sandwich, Michael Fonseca, représentant de la CGT à l’hôpital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), avait de multiples messages à faire passer au gouvernement sur ses panneaux.

 

En cette nouvelle journée d’action de la santé un peu partout en France, les centaines de soignants rassemblés devant le ministère, à Paris, avaient à cœur de défendre une qualité des soins en pleine déliquescence. Aide-soignant en service de soins de suite et de réadaptation, Michael Fonseca fait l’inventaire des dysfonctionnements dans sa structure :

 

« Les urgences de nuit sont menacées de fermeture. Il y a treize postes de cadres vacants sur l’hôpital : la plupart sont partis à cause de la charge de travail. Il y a aussi une pénurie de médecins. Avant, ils alternaient entre les consultations dans le privé et l’hôpital. Désormais, une dizaine d’entre eux ont basculé uniquement sur leur cabinet. »

 

Dans cette improvisation quotidienne, les patients trinquent. Aide-soignante dans un établissement gériatrique des Vosges et élue CGT, Stéphanie Andrique, qui vient pour la première fois manifester à Paris sur son jour de congé, ne supporte plus de voir les personnes âgées maltraitées.

 

« Je ne bosse pas dans une usine ! » tranche-t-elle. « On nous rappelle constamment sur nos jours de congés en nous disant que, sinon, le service va fermer. Mais ce sont les patients qui en pâtiraient. Déjà qu’on les fait attendre pour aller aux toilettes et pour se laver, ils n’ont jamais aussi bien porté ce nom ! Aujourd’hui, je pense avant tout à ces gens dans leur lit. »

 

En ce moment, à l’hôpital Tenon (20e arrondissement de Paris), les urgences psychiatriques sont débordées, notamment parce que celles de l’Hôpital intercommunal de Montreuil (Seine-Saint-Denis) ont fermé leurs portes. Nicolas, aide-soignant et membre du collectif Inter Urgences, ne supporte plus de travailler dans ces conditions.

 

« Faute de places en service de psychiatrie, nous avons gardé cinq jours une personne de 21 ans contentionnée. Elle nous suppliait de la détacher, mais nous ne pouvions pas… C’était horrible. »

 

Du côté des urgences « généralistes », la situation n’est pas meilleure. « Nous allons partir en grève dans pas longtemps », confie-t-il.

 

« Les brancards sont cassés. On n’a plus de fauteuils roulants. Je me retrouve à envoyer des patients passer des radios à cloche-pied. L’été dernier, dans une zone où normalement il doit y avoir quatre infirmiers, il n’y en avait plus qu’un. Du coup, il ne se rappelait plus le prénom des personnes, c’était n’importe quoi. On veut donc des garanties pour l’ex-mois de juillet et d’août. »

 

Même si les salaires sont un des nerfs de la guerre, Blandine Depta, infirmière au Smur de l’hôpital de Péronne (Somme), veut mettre l’accent sur les moyens humains.

 

« Notre zone géographique, située entre Amiens et Saint-Quentin, se désertifie de plus en plus. Le champ d’intervention du Smur a été élargi de 30 à 45 kilomètres. À l’hôpital, un cardiologue est sur le départ, si personne ne le remplace, les malades devront parcourir jusqu’à 80 kilomètres pour consulter. »

 


 

Faute de soignants, au moins 120 services ont été forcés de limiter leur activité ou s’y préparent, selon un décompte fin mai de l’association Samu-Urgences de France.

 


 

Source :

https://www.brut.media/fr/health/le-cri-d-alarme-d-une-soignante-de-l-hopital-public-b9d86b20-8671-4d57-a402-d172d05383c3

https://www.francebleu.fr/infos/societe/en-images-manifestations-pour-l-hopital-les-conditions-s-aggravent-les-soignants-tous-en-burn-out-1654615790

 

Article :

Brut

Jade Peychieras / France Bleu

 

Vidéo :

[1] Le cri d’alarme d’une soignante – Brut / YouTube

[2] Crise des urgences : les soignants mobilisés devant le ministère de la Santé – Journal l’Humanité / YouTube

 

Photo :

Pour illustration