France : retour sur quelques scandales sanitaires

 

Qu’ont en commun les affaires de l’hormone de croissance, de la vache folle, du panache radioactif de Tchernobyl et des vaccins suspects anti-hépatite B ? Tous ces scandales sanitaires se sont soldés, au terme de procédures interminables, par des non-lieux ou des relaxes générales, au bénéfice du doute. Retour sur ces douloureux dossiers.

 

 

Tchernobyl : les Sages ont tranché

Le 26 avril 1986, le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl explose, libérant une radioactivité sans équivalent dans l’Histoire. Trois jours plus tard, les autorités françaises se veulent rassurantes : la météo est favorable, aucune hausse de la radioactivité ne sera mesurée dans l’Hexagone. Pourtant, quand le panache radioactif commence à survoler la France, le 30 avril, le service dédié au ministère de la Santé (SCPRI) évoque dans un communiqué «une légère hausse de la radioactivité atmosphérique». Le nuage quitte le ciel français le 5 mai. Il faut attendre le 10 mai pour que son patron, Pierre Pellerin, s’adresse au grand public, sur TF1. C’est là qu’il présente les fameuses cartes du survol du panache en France. En revanche, il ne prononce pas la phrase qu’on lui prête souvent, selon laquelle «le nuage s’est arrêté à la frontière».

 


 

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10-12 mai 1986 : la communication tardive de Pierre Pellerin auprès du public

 


 

Plus qu’une communication défaillante, c’est la minimisation des risques sur la santé qui sera l’objet du scandale. Le SCPRI ne cessera de nier toute dangerosité et le gouvernement de Jacques Chirac ne prendra aucune mesure de précaution. Dans le même temps, les voisins européens s’alarment et mettent en garde contre la consommation immédiate de produits laitiers, tout comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En mars 2001, l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) et la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) portent plainte contre X, estimant que la gestion de l’affaire par les autorités françaises serait à l’origine d’une augmentation du nombre de cancers de la thyroïde. Pierre Pellerin est mis en examen en mai 2006, notamment pour «infraction au code de la consommation», procédure qui s’achèvera par un non-lieu en septembre 2011. L’année suivante, la Cour de cassation l’innocente des accusations de «tromperie et tromperie aggravée».

 


 

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31 mai 2006 : mise en examen de Pierre Pellerin

 


 

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Avril 1986, quelques jours après la catastrophe qui a eu lieu dans la centrale nucléaire de Tchernobyl, l’ex-Président de la République Valéry Giscard d’Estaing est invité à donner son avis à propos de l’accident nucléaire dont la France vient d’être informée.

 

Lors de cet interview Valéry Giscard d’Estaing se veut rassurant à propos de Tchernobyl :

« (…) Je crois d’abord qu’il faut rassurer les français. Le nuage dont vous avez parlé tout à l’heure est un nuage dont la radioactivité de toute façon ne comporte pas de danger pour la population. Il est à un taux de radioactivité qui est faible par rapport à celui qui aurait des conséquences sur la santé de la population. (…) »

 

Mensonge d’état ? Ancien Président de la République manipulé par le lobby du nucléaire ou simple erreur d’appréciation ? Le principe de précaution est en tous cas loin d’avoir été respecté.

 

Le professeur Pellerin était-t-il l’arbre qui cache la forêt ?

 


 

Vache folle : un non-lieu général

En novembre 1986, un laboratoire britannique identifie chez une vache une nouvelle forme d’encéphalopathie spongiforme (ESB), semblable à la Tremblante du mouton. A l’issue d’études épidémiologiques, on conclut un an plus tard que des farines à animales sont à l’origine de cette maladie, dite de la vache folle. Une série de mesures sont prises en Europe, notamment en France : interdiction d’importer des farines animales, interdiction d’importer les bovins britanniques susceptibles d’être affectés, obligation de déclarer les cas d’ESB.

 

Las, un premier cas de vache folle est recensé en Bretagne, dans les Côtes d’Armor, en 1991. Il faudra attendre cinq années pour que le gouvernement britannique évoque pour la première fois l’éventualité d’une transmission à l’homme : dix personnes sont déjà atteintes par la maladie. Forte de ces informations, la Commission européenne décide un embargo total sur les exportations de viandes bovines britanniques et leurs produits dérivés. S’en suit un bras de fer diplomatique, Londres appelant à un assouplissement des restrictions quand la majorité de ses partenaires souhaitent un renforcement des mesures d’abattage.

 


 

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Mars-mai 1996 : deux mois de crise

 


 

En France, l’opinion s’inquiète : le 15 mai 1996, Creutzfeldt-Jakob est identifié pour la première fois chez un malade dans l’Hexagone. Une information judiciaire est lancée en 1997 après plusieurs plaintes, dont la première avait été déposée l’année précédente par l’Union française des consommateurs (UFC). Quatre responsables d’usines de fabrication d’aliments pour bétail sont mis en examen. Finalement, le parquet de Paris requiert un non-lieu général en novembre 2013. Un avis suivi par les deux juges d’instruction chargés de l’affaire en juillet 2014, au motif notamment que la présence de protéines animales dans la production de l’usine n’aurait pas été démontrée. En France, 27 personnes sont décédées de la maladie.

 

 

Vaccins contre l’hépatite B : pas de preuve incontestable

En 1994, la France lance une vaste campagne de vaccination contre l’hépatite B, qui cible notamment les collégiens de 6ème. L’ambition du ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy est d’éradiquer en France cette infection du foie mortelle à l’horizon 2015.

 

En novembre 1995, l’agence du médicament indique que le vaccin peut, chez les personnes déjà atteintes de la sclérose en plaques (SEP), entraîner une « poussée » de la maladie. Un an plus tard, une pétition signée par 130 médecins est adressée au président de la République Jacques Chirac pour réclamer la suspension de la campagne, ce qui sera décidé deux ans plus tard. Les cas suspects se multiplient. Ils déboucheront pour certains sur des plaintes.

 

Une enquête judiciaire est ouverte, en juin 1998, au tribunal de grande instance de Paris. Un premier rapport d’expert est remis en 2002 à la juge d’instruction spécialisée Marie-Odile Bertella-Geffroy. Mais ses conclusions, à charge contre le vaccin, n’apparaissent « pas étayées scientifiquement et s’avéraient parfois contradictoires », estimera le parquet dans son réquisitoire définitif. Une contre-expertise, en 2006, conclut pour sa part que « les études ne révélaient aucun risque ou un risque faible de déclencher une sclérose » à la suite de la vaccination, précisant toutefois « que ce type d’étude est incapable d’écarter un risque individuel ».

 

En 2013, l’enquête s’accélère grâce à deux nouvelles juges d’instruction. Les études dont elles disposent n’établissent pas, dans leur grande majorité, de lien entre vaccination et maladies démyélinisantes. Une affirmation reprise par le procureur. Or la loi prévoit que cette relation doit être incontestable pour justifier un procès. A l’été 2015, le parquet de Paris rend un réquisitoire de non-lieu général. Trois ex-responsables des géants pharmaceutiques Sanofi-Aventis et Glaxo-SmithKline restent à ce jour mis en examen pour tromperie aggravée, les deux entreprises étant placées sous le statut de témoin assisté.

 

 

L’hormone de croissance : les accusés mis hors de cause

A la fin des années 60, on met au point, aux Etats-Unis un traitement hormonal permettant de soigner les enfants de petite taille. L’hormone est extraite de l’hypophyse (une glande du cerveau) de patients morts. En 1983, l’Institut Pasteur, chargé de ces prélèvements, demande que soient importés des lots de Bulgarie, afin de satisfaire la demande. Certains s’avéreront contaminés par l’agent de propagation de Creutzfeldt-Jacob. Le lien entre l’hormone et la maladie est établi au printemps 1985, aux Etats-Unis, où un jeune est décédé de la maladie. L’association France-Hypophyse, qui centralise les prélèvements, décide quelques semaines plus tard de retirer et de traiter les lots d’hormones.

 

Après le dépôt, en décembre 1991, d’une première plainte contre X par la famille d’un enfant contaminé, une information judiciaire est ouverte. Un an après, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointe un «grave dysfonctionnement du dispositif français». Entre les premières mises en examen, à l’été 1993, et la fin de l’instruction, en 2005, il s’écoule douze ans. Trois procès vont se succéder. Au terme du premier, qui s’est ouvert en février 2008, une relaxe générale est prononcée, à la grande colère des proches des victimes. Le procès en appel se conclut en 2011 de la même manière. Les juges estiment qu’aucun professionnel ne pouvait prévoir un risque de contamination. Entre temps, l’un des principaux prévenus, l’ancien président de France-Hypophyse Jean-Claude-Job, est décédé.

 


 

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Janvier 2009 : le cri de révolte des familles de victimes

« Qu’est-ce que je vais dire à ma fille ? Pourquoi tu as perdu ton père, pourquoi les gens qui l’ont tué ne sont pas punis ? ». Lise, l’épouse d’une des victimes de l’hormone de croissance se sent bafouée.

 

La justice a relaxé mercredi les six médecins et pharmaciens accusés d’avoir provoqué par «négligence», dans les années 80, la mort d’une centaine de jeunes traités à l’hormone de croissance, faute d’avoir clairement établi que ces spécialistes connaissaient les risques.

 

Sept médecins et pharmaciens, l’un d’entre eux étant mort depuis, étaient accusés d’avoir commis de «graves fautes d’imprudence et de négligence» dans le traitement de 1.698 enfants trop petits avec cette hormone, alors fabriquée à partir de l’hypophyse, glande crânienne prélevée sur les cadavres.

 


 

Le sang contaminé

C’est la première crise du genre à faire autant de bruit en France. En 1991, on découvre que le Centre national de transfusion sanguine distribue aux hémophiles des lots de sang contaminé par le virus du sida. 50% des hémophiles dans notre pays contractent alors le VIH. La contamination date des années 1983-85.

 

Poursuivis pour leur responsabilité éventuelle alors qu’ils étaient à l’époque premier ministre et ministre des Affaires sociales, les socialistes Laurent Fabius et Georgina Dufoix sont déclarés innocents des délits d’«atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique des personnes» par un arrêt du 9 mars 1999.

 

 

Le Distilbène :

Ce médicament, censé prévenir les fausses couches, est commercialisé en France de 1947 à 1977. Dès 1971, la molécule est toutefois interdite aux États-Unis en raison de sa dangerosité. Surnommés «filles Distilbène», les enfants des femmes qui ont pris ce médicament ont développé des années plus tard des cancers très rares, ont été victimes de malformations génitales, ont connu des fausses couches à répétition, des naissances prématurées ou bien encore la stérilité. On estime que 160.000 enfants, dont 80.000 filles, les plus concernées, ont été exposés au produit en France.

 

 

Le coupe-faim Isoméride :

Le laboratoire Servier, mis en cause dans l’affaire du Mediator, n’en est pas à son premier scandale sanitaire. L’Isoméride, un coupe-faim que le laboratoire Servier a commercialisé dès 1985, a été retiré totalement de la vente en septembre 1997 après la découverte de cas d’hypertension artérielle pulmonaire, ainsi que d’anomalies des valves cardiaques chez les femmes ayant pris un cocktail de deux coupe-faim, dont l’Isoméride. Prescrit à 7 millions de Français, il aurait fait au moins quarante morts.

 


 

Et la liste est bien longue car il s’agit là que d’un bref survol.

 


 

Mére - Bébé

 


 

Source :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_scandales_sanitaires

https://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/11/16/10549-plusieurs-importants-scandales-sanitaires-france

https://blogs.mediapart.fr/bernard-sudan/blog/220717/la-longue-histoire-des-scandales-sanitaires-en-france

https://www.leparisien.fr/archives/ces-scandales-sanitaires-qui-ont-tourne-au-fiasco-judiciaire-04-01-2016-5384327.php

 

Article :

Marion Brunet / Le Figaro / 16 novembre 2010

Le Parisien / Archives / Le 4 janvier 2016

 

Vidéo : 

[1] Tchernobyl et la Corse – 12 mai 1986 / INA

[2] Tchernobyl : le professeur Pellerin a-t-il minimisé les risques ? | Archive INA – INA Société / YouTube

[3] Giscard après l’accident nucléaire de Tchernobyl: « pas de danger… » – infonucleaire / YouTube

[4] Historique affaire vache folle – Mars-mai 1996 / INA

[5] Hormone de croissance : le cri de révolte des familles – Le Parisien / Dailymotion

 

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