Des chercheurs dont l’étude a été publiée dans « Science » ont estimé que 91% de la littérature médiévale a été perdue. Ils sont parvenus à cette estimation en appliquant un concept issu de l’écologie : celui des espèces invisibles.
Les aventures du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde, Tristan et Iseut, La Chanson de Roland… Vous connaissez peut-être ces célèbres œuvres du Moyen Âge, mais saviez-vous que la plupart des romans de cette lointaine époque ont disparu, détruits par les incendies ou par la dégradation physique des manuscrits ? Des chercheurs de différents pays européens ont tenté de déterminer la proportion d’œuvres qui avaient survécu jusqu’à aujourd’hui en utilisant une méthode inattendue issue de l’écologie. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Science.
Les scientifiques sont d’abord partis d’un constat, relate cet article de Futura Sciences . À chaque époque, seule une partie du passé est connue, car tout ce qu’a créé une société, tout ce qui a été façonné par l’être humain à un moment donné ne survit pas avec le passage du temps. Il y en a toujours une partie qui est détruite, réutilisée ou tout simplement cachée ou inaccessible – et donc oubliée. Exemple célèbre d’une réutilisation : les restes d’un roman d’amour médiéval utilisés pour renforcer la coiffe d’un évêque. Les scientifiques ne savent donc pas dans quelle mesure la littérature qui subsiste est représentative de ce qui a existé, un phénomène connu sous le nom de « biais de survivance ».
Le modèle des espèces invisibles
Or, ce concept est aussi présent dans l’écologie. Lorsqu’on étudie par exemple un écosystème, on peut lister toutes les espèces observées à un moment T sur le terrain. Mais lorsqu’on comparera ces dernières avec celles qui ont été répertoriées précédemment, on pourra noter que certaines d’entre elles ont échappé à notre observation, parce qu’elles sont rares, ou difficilement observables, ou tout simplement absentes ce jour-là. C’est pour les prendre en compte qu’un concept a été inventé : le modèle des espèces invisibles. Ce concept permet de corriger cette vision des choses limitée.
Les scientifiques ont eu alors l’idée d’appliquer ce modèle des espèces invisibles issu de l’écologie à la littérature médiévale. Les œuvres littéraires ont été analysées comme les espèces en écologie, et les copies de manuscrits (qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui) ont été considérées comme des observations d’une espèce.
Leur conclusion est que 91 % de la littérature médiévale a été perdue : seuls 9 % des manuscrits européens du Moyen-Âge ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Selon Eurekalert, qui décrit l’étude, on décompte seulement 3.648 manuscrits médiévaux encore observables aujourd’hui sur les 40.614 qui auraient en réalité existé. Ce pourcentage estimé est compatible avec « les rares preuves historiques », précise l’article de Science.
En étudiant certaines disparités au niveau européen, les chercheurs, qui ont étudié la littérature médiévale néerlandaise, française, islandaise, irlandaise, anglaise et allemande, ont également observé qu’en Irlande et en Islande, les œuvres littéraires médiévales avaient été moins perdues que les allemandes, anglaises, néerlandaises et … françaises. Pour les auteurs de l’étude, une partie de l’explication réside dans le fait qu’il existait plus de copies manuscrites des œuvres irlandaises et islandaises, ou qu’elles étaient mieux distribuées (elles ne se trouvaient pas toutes au même endroit) : cette relative « abondance » les aurait rendues moins sensibles aux pertes.
Excalibur est l’épée du roi Arthur dans l’œuvre de Sir Thomas Malory publiée en 1485. Photo d’illustration. © Pixabay
Source :
https://www.eurekalert.org/news-releases/943336
https://www.science.org/doi/10.1126/science.abl7655
https://www.geo.fr/histoire/on-ne-connait-que-9-des-contes-medievaux-europeens-208506
Article :
Stéphanie Bascou / Géo
Photo :
Pour illustration
Voir notamment :
Insolite : Littérature médiévale – découverte de manuscrits inédits sur Merlin l’enchanteur [Vidéo]
Ne pas oublier les chansons paillardes. Les quelques chansons qui restent de ces époques révolues ont été assemblées dans le Bréviaire du Carabin. À lire avec modération(je souris)
Merci pour l’information. Je ne connaissais pas « Le bréviaire du Carabin » ; où j’ai oublié… car ma mémoire commence sérieusement à me faire défaut.
Je vous en prie. Je l’ai lu quand je suis venu en France en 1979. Vous pouvez le consulter ici(il coûte 19,90 euros chez la FNAC):
https://livre.fnac.com/a6902361/Anonyme-Le-breviaire-du-Carabin
Merci pour le lien. En 1979… J’ai dû voir cet ouvrage lors de ma scolarité. Fort probable car plus j’y réfléchis plus mon doute s’estompe.
Les chansons paillardes ne sont pas enseignées à l’école car elles sont vulgaires. Il y a même des chansons qui ont été interdites comme certains poèmes de Baudelaire(Les Fleurs du mal) . Ce genre de chansons égayaient les nuits des gardes des siècles passés. Un aperçu ici :
https://www.paroles.net/chansons-paillardes/paroles-la-patrouille
« Les Fleurs du mal » de Baudelaire, je me souviens que nous l’avions ‘étudié’ en cours de français au collège. Pour l’autre que vous aviez cité, je dois me tromper.